Après toute une série de rites destinés à protéger, à soigner les
enfants mis en danger par les épreuves qu’ils ont traversées il s’agit
toujours, conformément à un principe général que les Pèrè appliquent
dans toute thérapie, de mélanger des substances aux propriétés
contraires – chaud/froid, masculin/féminin – pour agir efficacement
contre le mal, c’est le retour au village. Les nouveaux initiés ont
appris à souffler dans les trompes, ils chantent, ils dansent, ils
expriment leur joiexA0 ils sont xA0;désormais inclus dans la communauté
des hommesxA0; p. 101. C’est, chez les Pèrè, comme ailleurs dans les
sociétés traditionnelles, l’un des r?les essentiels des rites
initiatiques. L’auteur a tout à fait raison d’insister sur le bandeau
placé devant les yeux du néophyte au moment crucial de sa relation avec
son parrain, car l’interdit de voir donne tout son sens à ce qui va
suivre, c’est-à-dire au dévoilement de xA0;la petite chosexA0;, qui est,
à mon sens, équivalente des masques dans des sociétés voisines. Mais
qu’en est-il de la posture qui semble être celle de la fellation et dont
on a l’impression qu’elle fait de sa part l’objet d’une dénégation?
Charles-Henry Pradelles de Latour écrit ces phrases compliquéesxA0
xA0;Les novices qui “meurent” au lieu même du regard, conjurent d’autant
mieux l’aspect destructeur de l’Autre que la place phallocentrique
occupée par la feuille de la mort entre les jambes du parrain s’avère en
fin de compte une place vide. Le regard du gèrem est symboliquement
mort, de la même manière que son pénis l’est lorsqu’il est représenté
par son absence les mains videsxA0; p.
105. J’avoue avoir quelque difficulté à comprendre, et cela malgré
l’introduction à ce chapitre intitulé xA0;La vision et le regardxA0; qui
doit son inspiration à Lacan, ce qui m’appara?t simplement comme une
méconnaissance de la portée symbolique de la “mort” des néophytes. Le
grand Autre, sous sa forme de gèrem ou de masques auxquels,
rappelons-le, sont souvent associés de fa?on très étroite des
instruments de musique, n’est pas une puissance destructrice mais une
instance de mort et de renaissance où la sexualité humaine, dont les
organes sont réduits à des leurres, fait place à des forces
xA0;supérieuresxA0; que les hommes prétendent s’approprier pour
xA0;fairexA0; des hommes autres – des hommes véritables? – que ceux qui
sont sortis du ventre maternel. Leurre, farce, tromperie, n’ont-ils pas
leur place dans tous les grands rituels initiatiques? C’est pourquoi je
ne vois pas très bien ce que pourrait avoir de phallocentrique la scène
de simulation d’une fellation, f?t-elle située en un lieu vide. L’auteur
est mieux inspiré, me semble-t-il, lorsque, quelques lignes plus loin,
il écrit que les gar?ons une fois initiés xA0;sont le gèremxA0;, et
répète qu’ils xA0;sont donc inclus dans la communauté des hommes
pèrèxA0; p. 106. C’est pour cette raison qu’il peut écrire, à juste
titre, quexA0 xA0;Même dans une société matrilinéaire les hommes sont
plus valorisés que les femmesxA0; ibid. . Je me permettrai seulement à cette occasion de faire remarquer qu’il
existe des sociétés africaines patrilinéaires au Mali et en C?te
d’Ivoire, notamment dans lesquelles fleurissent des associations
initiatiques féminines qui peuvent parfois jouer un r?le social aussi
important que leurs homologues masculines.12 Je terminerai ce compte
rendu par l’examen du dernier chapitre intituléxA0 xA0;La religion de la
pluiexA0;. Le chef de la pluie, personnage dont la fonction n’est pas
liée à une appartenance clanique particulière, a en charge une cérémonie
annuelle qui se tient à la fin de la saison sèche. Elle comprend un
rite du soir et un autre du matin, et se déroule dans xA0;la maison de
la pluie […] qui abrite deux jarresxA0; p. 205. L’une, petite, est
féminine, l’autre, grande, est masculine, elles sont appelées xA0;jarres
de DieuxA0;.
Dans la première phase, de la bière de mil est xA0;offertexA0; aux
jarres puis distribuée aux assistants, dans la seconde, le chef de la
pluie fait préparer de la bouillie de mil avec la récolte de l’année
passée, levant ainsi l’interdit alimentaire qui pesait sur elle. Il
répand ensuite cette bouillie blanche sur les jarres et xA0;blanchitxA0;
les notables de la pluie en la crachant sur leur front et leur épaule
droite. xA0;Cette bénédictionxA0;, écrit Charles-Henry Pradelles de
Latour, xA0;évoque ainsi une fécondation, mais la sexualité n’est pas
pour autant le thème central de ce culte, comme l’atteste le fait qu’à
la fin du rite, [le chef de la pluie] se “blanchit” lui-mêmexA0; p. 206.
Ce geste est une offrande à DieuxA0 l’officiant lui demande que le
cycle des saisons se poursuive normalement, que les récoltes de l’année à
venir soient abondantes, donc que les pluies tombent en quantités
suffisantes.13 Il ne fait pas de doute que ce culte relève de la
religion et que le chef de la pluie est un prêtre, un sacrificateur même
bien qu’il ne soit nulle part fait état de victime sacrificielle, et
non un magicien. L’auteur prend bien soin de préciser que les jarres
sont des objets sacrés qui n’ont rien à voir avec ceux du gèrem.
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