D’où une autre distribution de la
dimension sociale group et de l’ordre symbolique grip, opposant
ritualisme et effervescence. Elle admet fort bien que la possession
comme le chamanisme impliquent la participation des esprits. On peut
donc s’étonner qu’elle caractérise les expressions corporelles
xA0;effervescentesxA0;, associées à ces deux religions, comme un refus
du rituel. Les Ha?tiens distinguent soigneusement la transe
xA0;sauvagexA0;, susceptible de se manifester en dehors de tout rituel,
mais ils placent au c?ur de leur liturgie la transe identificatoire, en
quelque sorte domestiquéexA0 celle-ci implique une initiation
religieuse. Le caractère spontané des gestes est une illusion. Nous
entrons là de plain pied dans cette anthropologie du corps que Mary
Douglas, après Marcel Mauss, appelait de ses v?ux. Mais elle oppose
religions extatiques et religions impliquant un strict contr?le social.
Ce faisant elle adopte, cette fois sans se l’avouer, le point de vue
de l’église catholique qui a toujours condamné comme satanique la
possessionxA0 elle a exigé que ses prêtres soient les seuls
intermédiaires sereins entre Dieu et les fidèles, elle a exigé de
ceux-ci un comportement inverse de celui des possédés: une parfaite
conscience de soi. Or, à raison, Mary Douglas fait figurer parmi les
caractères de l’effervescence xA0;l’absence de conscience contr?léexA0;
1970a: 104, mais tient à la distinguer de l’attitude requise des
religions marquées par le ritualisme. Existe-t-il donc des religions
sans rituel? Que la transe soit au c?ur des préoccupations religieuses
ou à leur périphérie, qu’elle soit recherchée ou rejetée comme
maléfique, est un autre problème, en partie sociologique sans doute De
Heusch 2006.8 L’auteur de Natural Symbols propose plus loin un troisième
schéma qui s’ajoute aux deux précédents, puis deux autres encore en
creusant la même idée opposant group et grip. Mary Douglas aborde aussi
un aspect anthropologique important et trop négligé: le fait que dans
diverses régions de l’Afrique, il est loisible de repérer de proche en
proche les transformations du même phénomène. Par exemple, les Nuer et
les Dinka sont deux sociétés qui affichent deux états différents de la
possession, envisagée comme le même phénomène religieux. Mary Douglas,
fidèle à ses convictions fonctionnalistes, explique cette différence en
termes sociologiques. Mais, ajoutons que les idéologies du pouvoir politique nuer ou dinka
semblent des embryons de l’idéologie royale qui se déploie chez les
Shilluk comme fondement d’une société proto-étatique, sans que ces
transformations structurales ne semblent pouvoir s’expliquer du point de
vue fonctionnaliste. Tous trois sont organisés sur la base du lignage
patrilinéaire et le milieu, favorable à l’élevage, ne varie guère De
Heusch 1987.9 Mary Douglas poursuit sa transgression des frontières
traditionnelles de l’anthropologie, sans perdre de vue les idées
nouvelles défendues dans Natural Symbols. Elle publie, en 1975, Implicit
Meanings, qui contient différents articles déjà publiés, et revient
notamment sur le symbolisme de la religion lele. Elle se tourne ensuite
vers l’économie et interroge la complexité des problèmes liés à la
cuisine et à l’alimentation. Ce nouvel ordre de préoccupations va
retenir son attention durant les quelques années qu’elle passe aux
états-Unis. En tant que Research Director dans le domaine culturel de la
Russell Sage Foundation, elle analyse avec divers collaborateurs les
habitudes alimentaires des différentes catégories d’Américains.
Plus tard, en association avec Aaron Wildavsky, elle publie, en 1982,
Risk and Culture. Le livre suscite évidemment une vive polémique
politico-scientifique, que rappelle Richard Fardon 1999: 145. Pour sa
défense, Mary Douglas écrivit que le centre d’intérêt du livre était, en
particulier, xA0;la perception du risque dans les sciences socialesxA0;
ibid.: 147. L’année précédant cette publication, elle avait accepté un
poste de professeur à la Northwertern University Illinois, avant de
rejoindre son Angleterre natale quelques années plus tard.10 Mary
Douglas consacre son dernier livre à un réexamen anthropologique de la
Bible, visitée il y a près d’un siècle par Frazer qui tenta aussi
d’abolir les diverses barrières entre les sciences humaines, mais dans
une perspective évolutionniste radicalement étrangère à la sienne
Douglas 1999 et 2004xA0 Frazer 1918. On se souviendra qu’au début de sa
carrière scientifique, Mary Douglas avait déjà découvert l’existence de
la pensée classificatoire à la base du Lévitique.
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