suite, les historiographies
se sont profondément renouvelées en interrogeant l’histoire de leur
inter-culturalité, ainsi que les formes républicaines de la
colonisation. 15 Cette histoire est complexe. Il semble qu’au début du
xixe siècle les élites républicaines d’Amérique latine envisagèrent de
batir un état national multiculturel[32][32] Pinto Rodriguez 2003. ..
.suite. Puis, dans la seconde moitié du xixe siècle, inspirées par les
modèles européens, elles convergèrent radicalement pour construire des
états-nationaux unitaires en imposant leur autorité sur des territoires
qu’elles considéraient comme partie intégrante de l’espace national.
C’est ce processus qu’Ana Teruel étudie dans le nord de l’Argentine à la
fin du xixe et au début du xxe siècle. La disciplinarisation[33][33]
Dans le sens que Michel Foucault donne à 160;la discipline... suite des Indiens par les missionnaires, les exploitants, les
militaires consistait à les faire sortir d’un état censé être de
barbarie. Il s’agissait de les sédentariser, de les vêtir, de les mettre
au travail pour les élever d’abord à la condition d’homme et de femme
selon les canons des sociétés nationales, avant d’en faire des
chrétiens, puis à terme, peut-être, des citoyens. Cette expansion
coloniale tardive, en transformant l’environnement, le mode de vie,
l’organisation sociale, a constitué, jusqu’au xxe siècle, un lieu majeur
de mutation du genre des populations dites désormais 160;indigènes160;.
L’une des conséquences de l’action missionnaire sur les groupes de
collecteurs matricentrés fut de renforcer la domination masculine en
désignant les hommes comme les interlocuteurs salariés privilégiés des
colons. Les hiérarchies masculines furent ainsi elles aussi profondément
altérées. En s’étendant sur ces territoires et en mettant un terme aux
guerres entre ethnies, les états de facto ont effacé les deux figures
extrêmes de la virilité à partir desquelles se déclinaient les
masculinités indiennes correspondant à ces espaces nouvellement
conquis160 celle du guerrier et celle du captif. Mais ils firent émerger
de nouvelles incarnations consolidant la domination masculine à travers
la figure actualisée du 160;cacique160;, celle du contrema?tre, celle
du garde ou du soldat, voire celle du ma?tre d’école.
Les masculinités à l’épreuve de la colonisation 16 L’ambition de ce
numéro est aussi de montrer que l’expansion coloniale commence à être
étudiée comme un moment central de redéfinition des masculinités. En
effet, tant le caractère viril des colonisateurs incarné par des figures
dominatrices d’hommes blancs150;160;l’officier, le missionnaire,
l’administrateur, l’ingénieur, le planteur160;150;, que la rhétorique de
dévirilisation des peuples soumis, réduits à une condition subalterne,
furent exacerbés[34][34] Sinha 1995. ...suite. Mais, au-delà de
l’analyse des discours et des représentations produits dans l’événement,
les études empiriques sur le devenir des masculinités dans les
territoires sous domination fran?aise demeurent aujourd’hui peu
nombreuses, alors que l’on dispose déjà d’une historiographie
conséquente sur les colonies anglophones[35][35] Pour l’Afrique voir
Lindsay & Miescher 2003 et sur.