A New
History of Anthropology, Oxford-Malden, Blackwell, 2008, 402 p., bibl.,
index, ill.33 Comme l’indique le titre de cet ouvrage, c’est à une
véritable nouvelle histoire de l’anthropologie que nous convie Henrika
Kuklick, et ce pour trois raisons. Premièrement, par son angle
d’approche, A New History of Anthropology cherche à rendre compte aussi
bien des diverses traditions nationales que des concepts, des grilles
d’analyse, des domaines de recherche et des sous-disciplines en
anthropologie. De ce point de vue, cet ouvrage rompt avec les histoires
xA0;classiquesxA0; de l’anthropologie ordonnées selon un découpage
chronologique et centrées sur les pères fondateurs ou les
xA0;progrèsxA0; des théories anthropologiques. Deuxièmement, par le
dialogue constamment entretenu entre le passé du savoir anthropologique
et le présent, ce livre vise moins à mettre en lumière des filiations
méconnues et des figures oubliées, qu’à accentuer, comme le souligne
Henrika Kuklick, xA0;significant differences between past and present
practitionersxA0; (p.
7). D’ailleurs, le plan du livre comprenant dix-neuf articles organisés
en cinq sections – xA0;Les traditions majeuresxA0;, xA0;Anciennes
obsessionsxA0;, xA0;Les passés négligésxA0;, xA0;BiologiexA0; et
xA0;Nouvelles directions et perspectivesxA0; – atteste de cette volonté
de confronter les différences, à la fois thématiques et méthodologiques,
qui séparent l’anthropologie du xixe siècle de celle de nos jours.
Troisièmement, par son dessein d’xA0;apporter une perspective historique
aux débats contemporainsxA0;, cet ouvrage invite à repenser un certain
nombre de questions centrales à ce domaine de connaissance telles que
ses liens controversés avec le colonialisme, ses frontières avec
d’autres champs disciplinaires, la distinction problématique entre
anthropologie académique et anthropologie appliquée et les rapports
entre la sphère biologique et la sphère culturelle.34 Dans son
introduction solide et bien argumentée, Henrika Kuklick explicite les
thèmes majeurs qui traversent ce livre. D’une part, elle met en relief
la prégnance du paradigme de l’xA0;anthropological salvagexA0; et la
fa?on dont l’impératif de l’extinction culturelle, présidant à la
colonisation, reste encore puissant à l’heure de la mondialisation. Les
remarques nuancées de l’auteure pour ce qui est des xA0;pêchés
originauxxA0; de l’anthropologie, à savoir ses liens complexes avec le
colonialisme, sont étayées par les contributions d’Anna Grimshaw et de
Donna Mehos, la première consacrée à l’essor de l’anthropologie
visuelle, la seconde aux musées ethnographiques aux Pays-Bas. D’autre
part, Henrika Kuklick examine la question (toujours ouverte) des
frontières de l’anthropologie dans le sillage des analyses de George W. Stocking[3] [3] Voir George W. Stocking Jr. ,
«xA0;Delimiting AnthropologyxA0;:...suite. Elle note
pertinemment à quel point le souci de xA0;pureté disciplinairexA0; tend à
proliférer pendant les xA0;périodes de pénurie de ressources
économiquesxA0; (p.
3) allant de pair avec la réduction du nombre de postes dans les
institutions d’enseignement supérieur. En associant étroitement le
problème de la délimitation des frontières en anthropologie au marché du
travail, Henrika Kuklick déplace les termes du débat pour le situer sur
le terrain des débouchés professionnelsxA0;; et l’auteure de rappeler, à
juste titre, les travaux de Ruth Benedict, de Franz Boas et de Margaret
Mead à la charnière de la science xA0;purexA0; et de la science
xA0;appliquéexA0;.35 Deux contributions dans ce volume témoignent, par
des voies tout à fait distinctes, de la part des enjeux institutionnels
et professionnels dans les orientations théoriques de l’anthropologie.
Robert Ackerman, par ailleurs auteur de J. G. Frazer, his Life and
Work[4] [4] Cambridge-New York, Cambridge University Press, 1987. .