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2014-03-15 10:33:24
de Chateaubriand prisaittrès-haut le jugement et le sens politique,
la raison et la droiture deM. de Noailles, et Mme Récamier eut bien vite
démêlé, sous l'enveloppeun peu froide dont il les recouvre, une
constance, une délicatesse etune tendresse de coeur, fort en sympathie
avec sa propre nature.Je l'ai déjà dit, malgré la différence des ?ges,
elle accorda au duc deNoailles le rang et le titre d'ami, chose sérieuse pour elle qui, plusqu'aucune personne au monde, pratiqua et inspira l'amitié dans la plusparfaite acception du mot.Le duc de Noailles amena à
l'Abbaye-au-Bois la duchesse sa femme,personne accomplie, dont l'esprit
délicat, cultivé, doucement moqueur,dépourvu de toute prétention,
s'intéresse à tout et garde, sous lateinte de gravité et comme de
recueillement qu'une ineffa?able douleurmaternelle a imprimée à sa vie,
un charme singulier. Sa cousine, lavicomtesse de Noailles, dont la
brillante conversation faisait voir tantd'esprit argent comptant; le
beau-frère de celle-ci, l'aimable etexcellent marquis de Vérac; le duc
et la duchesse de Mouchy, venaientaussi avec assiduité à
l'Abbaye-au-Bois. Que puis-je dire? gr?ce au soinque le duc de Noailles
mit à entourer Mme Récamier de tous les siens, safamille et lui prirent,
dans sa société et dans son intimité, uneposition assez analogue à
celle que les Montmorency y avaient silongtemps occupée.M.
de Chateaubriand, revenu à ses travaux littéraires, préparait sonEssai sur la littérature anglaise, sa traduction de Milton, et sonHistoire du congrès de Vérone.
Pour se délasser un moment, il fit en1834 une course de quelques jours à
Fontainebleau; le sentiment desbeautés de la nature restait chez lui
vif et puissant, et, au bout dequelque temps de séjour à Paris, il
éprouvait le besoin impérieux de seretremper par la vue de la mer ou en
allant respirer le parfum des bois.Il écrit de Fontainebleau: ?Le
ch?teau, ou les ch?teaux, c'est l'Italie dans un désert des Gaules.
J'étais si en train et si triste que j'aurais pu faire une seconde
partie à René; un vieux René! Il m'a fallu me battre
avec la Muse pour écarter cette mauvaise pensée; encore, ne m'en suis-je
tiré qu'avec cinq ou six pages de folies, comme on se fait saigner
quand le sang porte au coeur ou à la tête. Les Mémoires, je n'ai pu les aborder; Jacques[97],
je n'ai pu le lire: j'avais bien assez de mes rêves. ?? vous seule
appartient de chasser toutes ces fées de la forêt, qui se sont jetées
sur moi pour m'étrangler.?L'année suivante 1835, ce fut Mme Récamier qui
s'éloigna: elle alla pourquelques semaines à Dieppe, et s'y trouvait
encore au moment del'attentat de Fieschi. M. de Chateaubriand, après huit jours passés aubord de la mer avec son
amie, revint précisément à Paris le jour decette odieuse catastrophe; il
en parlait en ces termes à Mme Récamier:M. DE CHATEAUBRIAND ? Mme
R?CAMIER. ?Paris, 29 juillet 1835. ?Je ne devais vous écrire que demain,
mais je veux vous dire aujourd'hui que, dans mon faubourg, je n'ai
appris l'événement dont les journaux vous ont donné la nouvelle, que par
un cocher de fiacre. Vous voyez que je suis chanceux: j'arrive en 1830
aux journées qui voient tomber la branche a?née; j'arrive en 1835 aux
journées qui ont pensé voir dispara?tre la branche cadette. Le mal de
cela, outre le crime, est de rendre incertaine à tous les yeux
l'existence de la monarchie nouvelle, et de porter peut-être le
gouvernement à des mesures contre la liberté; et par ces mesures mêmes,
il augmentera son péril.
Après ce petit mot de nouvelles, je n'ai plus qu'à vous dire que je
vous regrette, vous, la mer et votre solitude.?Le surlendemain, il écrit
de nouveau:LE M?ME. ?31 juillet. ?J'attends ce matin un petit mot de
vous. Je n'ai pas beaucoup travaillé. Cette aventure sanglante m'a
distrait. Le duc de Noailles ne viendra-t-il pas à ce nouveau procès?
?Si l'on propose quelque loi contre la liberté de la presse, je serai
obligé d'écrire.