L'air était secet si pur que la sensation de froid s'atténuait et il
semblait àFrome que l'atmosphère n'existait plus. Tout devenait léger
entre laterre givrée qui craquait sous ses bottes et la vo?te métallique
duciel. "On a la sensation du vide, -- se disait-il, -- comme si
onétait dans un tube de Crookes où le vide aurait été fait..."Quatre ou
cinq années auparavant, il avait suivi les cours d'uninstitut technique,
à Worcester, et manipulé quelque peu dans unlaboratoire gr?ce à la
complaisance d'un professeur de physique.Depuis, les images suggérées
par cette expérience lui revenaientsouvent d'une fa?on inattendue,
malgré la direction si différenteque son existence actuelle imposait à
ses pensées.
La mort de sonpère et les malheurs subséquents avaient en effet
écourté sesétudes: il n'avait pu en retirer aucun bénéfice pratique,
mais ellesavaient nourri son imagination et lui avaient donné l'idée du
vasteet nébuleux mystère qui se dérobe derrière les
apparencesquotidiennes des choses.Tandis qu'il cheminait à grands pas
sur la neige, le sentiment de cemystère embrasait son esprit et avivait
encore la bienfaisanteexaltation physique déterminée par cette marche
rapide. Au bout duvillage, devant le péristyle de l'église, il s'arrêta
pour reprendrehaleine.La pente de la route de Corbury s'amor?ait un peu
au-dessous dessombres sapins qui gardaient l'entrée du notaire Varnum.
C'était àcet endroit que les jeunes gens de Starkfield se retrouvaient
pours'exercer à la luge. Par les nuits claires, le carrefour
devantl'église retentissait jusqu'à une heure tardive de leurs
crisjoyeux; mais, ce soir, aucun de leurs petits tra?neaux ne
dessinaitsa tache noire sur la longue et blanche descente. Le silence
deminuit planait sur le village. Tout ce qui veillait était rassemblédans l'église: un lointain écho
d'air à danser et les larges raisd'une lumière dorée arrivaient,
confondus, des fenêtres.[1]Le jeune homme contourna l'édifice. Il
descendit la rampe et sedirigea vers la porte qui ouvrait sur la salle
du rez-de-chaussée.Il fit un crochet à travers la neige non foulée pour
éviter laclarté jusqu'à l'angle opposé du b?timent. Une fois là, tout
enprenant garde à rester dans l'ombre, il fit effort pour atteindre
lafenêtre la plus voisine. Il dissimula son corps long et mince
dansl'obscurité et tendit le cou de manière à pouvoir risquer on
oeildans la salle.Ainsi considérée, de la nuit pure et glacée où Ethan
demeuraitinvisible, elle apparaissait, cette grande pièce, en
pleineébullition.
Les réflecteurs à gaz projetaient une lumière cruecontre ses parois
blanchies à la chaux. A l'une des extrémités, lepoêle ronflait comme
s'il e?t contenu dans ses flancs un feuvolcanique. Des couples jeunes et
nombreux se pressaient sur leplancher. Face à la fenêtre, le long des
murs, étaient alignées deschaises de paille: les femmes plus ?gées, qui
les avaient occupéesjusqu'alors, venaient de se lever.La musique avait
cessé. Le violon et la jeune organiste desdimanches, -- tout
l'orchestre, -- se restauraient en h?te sur un coinde la table dressée
pour le souper, où s'offraient encore des restesde p?tés de glaces.
Chacun s'apprêtait à partir et se dirigeait déjàvers le vestiaire
lorsqu'un jeune gar?on ébouriffé et leste, sautaau milieu du plancher et
se mit à frapper dans ses mains.
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