suite. On sait que la Vierge, apparue à de modestes bergers, a dénoncé le blasphème et la profanation du dimanche. Si les hommes ne s’amendent pas, elle ne pourra retenir la colère divine?: les pommes de terre se gateront, la famine viendra, les enfants seront malades, etc.50 Ce prophétisme divin nourrit une lecture apocalyptique des réalités d’ici-bas. Le bulletin de l’?uvre constate ainsi que toutes ces prédictions se sont réalisées. Seules les récoltes de blé sont encore épargnées grace à l’infinie patience de Dieu. Cette interprétation est typique d’une vision prophétique du monde.
Tout converge vers la démonstration, même les éléments les plus contradictoires. Les épidémies, les inondations – en 1856, en 1866 – ravagent-elles une région?? C’est le signe de la colère divine. En épargnent-elles une autre?? C’est la patience de Dieu qui est manifestée. Le Dieu vengeur et la Vierge de miséricorde implorant la clémence divine sont les deux faces de ce catholicisme apocalyptique. Loin cependant de tout fatalisme, l’homme doit contribuer à conjurer la colère de Dieu. Toute adhésion à l’?uvre fait ainsi reculer les fléaux qui menacent la France. Le bulletin, passé sous la main du marquis de Roys, publie de nombreux faits divers développant à loisir, dans la veine d’histoires attestées dès le Moyen ?ge, les chatiments réservés aux prévaricateurs?: accidents de chemin de fer le dimanche, explosion dans une usine qui travaillait le jour de No?l, chutes accidentelles d’un arbre ou dans un puits…51 Pour bien comprendre cet apocalyptisme prophétique, il faut le replacer dans un système plus large d’interprétation du monde [68] [68] Paul Airiau, L’Église. ..suite. L’intransigeantisme d’une large fraction du catholicisme fran?ais, qui re?oit sa consécration avec le Syllabus, se définit par un rejet de la modernité issue des Lumières et de la Révolution fran?aise qui prétend organiser le monde sans Dieu. Ce système ?antimoderne? se décline donc sur un mode à la fois politique et religieux. Les principaux collaborateurs du bulletin, tous ?chambordistes?, sont sensibles à une théologie qui voit dans l’avènement prochain de l’Apocalypse les signes annonciateurs du retour du Christ. Ils attendent volontiers un nouveau miracle, prolongeant celui de sa naissance, qui ramènerait le comte de Chambord sur le tr?ne de ses pères.
Alors, la France retrouverait sa vocation éternelle qui a fait d’elle une monarchie chrétienne. Nicolas-Charles de Nugent (1805-1881), légitimiste s’il en est, est l’une des plumes habituelles du bulletin où il publie des aphorismes qui ne devaient être édités qu’après sa mort par son ami le baron de Larcy [69] [69] Maximes et pens233;es choisies du comte de Nugent, pr233;c233;d233;es...suite. Ils témoignent de son hostilité constante à la philosophie du XVIIIe siècle et à ses prolongements contemporains.52 Bien qu’il discute les thèses des écrivains apocalyptiques, le marquis de Roys est sensible à leur pensée [70] [70] La R233;volution (Mgr de S233;gur), Histoire de l’Ant233;christ.
