XIII).42 Si l’initiation kimpasi était une institution supralignagère,
comme le khimba yombe ou le bwete misoko gabonais, l’acquisition des
fonctions thérapeutiques s’exer?ait le plus souvent dans un cadre
lignager chez les KongoxA0 la vision de l’audelà qui prépare certains
banzi à devenir nganga dans le bwete misoko était remplacée chez les
Kongo par la quête chamanique des esprits nkita sous la houlette du
nganga nkitaxA0 en transe, les postulants à différents offices religieux
lignagers se jetaient dans l’eau à la recherche de ces lointains
ancêtres devenus des créatures aquatiquesxA0 ils les capturaient sous
forme de petites pierres (Ibid.xA0 181). D’autres nganga étaient choisis
chez les Kongo septentrionaux en provoquant des troubles mentaux
spécifiques, que nous pouvons interpréter comme une transe qui prélude à
l’exercice de leur travail (Ibid.xA0 195). Mais d’une manière générale,
le r?le de Mbumba était très effacé chez les Kongo.43 Chez les Yombe,
en revanche, Mbumba présidait aux ritesxA0 il était le génie médiateur
dans plusieurs rites de passage en tant que symbole évident de
l’alternance des saisons.
Les Mpangu (division des Kongo) évoquaient mystérieusement xA0;le
puissant MbumbaxA0; lorsqu’ils actionnaient leurs fétiches (nkisi)xA0
VanWing écrit à ce sujetxA0 xA0;Il semble que le nom de Mbumba serve ici
de titre honorifique pour tous les esprits qui habitent ces nkisixA0;
(in Ibid.xA0 259). On retrouve cet usage chez les MitsogoxA0 dans le
bwete, décrit par Otto Gollnhofer, des fétiches particuliers sont
dénommés MbumbaxA0 il s’agit des préparations rituelles contenues dans
une étoffe noire qui détient xA0;une charge bénéfique et
prophylactiquexA0; (Gollnhofer 1974xA0 24). Dans le bwete misoko,
observé par Julien Bonhomme, les adeptes font de la corde qui enserre le
fétiche majeur de l’initiation le symbole même de Mbumba en tant que
python. Il arrive aussi qu’ils appellent mbumba a bwete le puissant
fétiche que possède chaque père initiateurxA0 il est xA0;disposé dans
une corbeille surmontée d’une statuette de bois ou d’une coiffe de
plumes (et) contient le crane d’un de ses parentsxA0; (p. 191). Les
Kongo septentrionaux tiennent Mbumba comme responsable de la formation
du f?tus, tandis que les Yombe faisaient du même génie serpentin le
responsable des rites de puberté des jeunes filles, au seuil du
mariagexA0 mais le gonflement du ventre (caricature de la grossesse)
était le chatiment de ceux que Mbumba poursuivait de sa vindicte (De
Heusch 2000xA0 262). Tout se passe donc comme si dans cette région la figure du Python
arc-en-ciel avait éclaté dans des domaines symboliques connexes, faisant
fonctionner à plein rendement les métaphores suggérant qu’il est la
source de la vie et de la mort.44 Chez les Vili, qui jadis appartenaient
au royaume du Loango situé au nord du royaume de Kongo et des
chefferies yombe, on retrouve la croyance selon laquelle Mbumba
contr?lait les grossesses et infligeait une enflure générale à ceux qui
avaient enfreint ses interdits. Mais nous apprenons aussi qu’il était
l’une des divinités les plus importantes et qu’il était un esprit
doublexA0 Mbuma si (de la terrexA0;) protège contre l’action de la
sorcellerie, Mbum masi (xA0;de l’eauxA0;) accorde la fécondité aux
femmes. Mais, affirme Hagenbucher, xA0;ce sont deux modalités d’une
seule et même entité originellexA0; (in Ibid.xA0 263). Selon le même
auteur, Mbumba ne peut être invoqué que par une catégorie particulière
de nganga, dont l’auxiliaire rituel est le python. Selon Dunia Hersak,
la dualité de Mbumba, identifié à l’arc-en-ciel, était exprimée en
termes sexuels ophidiensxA0 il se compose d’un dangereux serpent male
(nlimba-) qui provoque le tonnerre et d’un serpent femelle bienveillant
(nduma) qui prévient la pluie et les inondations.
45 Les missionnaires ont imposé le nom de Nzambi pour désigner l’être
suprême dans cette aire culturelle. Mais les Yombe ont gardé le souvenir
de la dualité originelle en distinguant un Nzambi du Ciel d’un Nzambi
de la TerrexA0 or un témoignage ancien du Père Bitremieux déclare
expressément que Mbumba est la Terre (Ibid.xA0 265). Il est infiniment
probable qu’autrefois, avant l’influence des missionnaires chrétiens,
cette dualité était celle de Mbumba et Bunzi, que le mythe cosmogonique
yombe évoquant l’alternance des saisons présente clairement comme les
Ma?tres respectifs de la Terre et du Ciel (connu ici sous le nom de
Mpulu Bunzi). La figure dédoublée du dieu suprême se retrouve dans la
tradition fang, Nzame est le Dieu d’en haut et le Dieu d’en bas (Mary
1999xA0 195).46 Ce dualisme est toujours présent dans la cosmologie des
Kuba, au centre de la République démocratique du Congo. On y retrouve
Mbumba (sous la forme Mboom) associé à Ngaan dans un mythe d’origine.