Cela étant, de
telles dérives ne sont-elles pas inhérentes à ce genre d’éditions, dites
critiques (qui le sont fort peu évidemment) et qui par nature
prétendent être définitivesxA0;? Car, soyons sérieux, si Lévi-Strauss
est un grand écrivain ainsi que tend à le prouver cette édition –mais de
cela nous nous étions déjà aper?us, prenant un extrême plaisir à lire
ses livres –, il demeure avant tout un anthropologue dont la réflexion,
extrêmement puissante, est loin d’être dépassée d’un point de vue
théorique et qui doit en conséquence être discutée au contact des textes
dans leur état brut. Il est préférable en effet qu’aucune instance
d’autorité ne vienne interférer entre elle et le lecteur. Dans le même
ordre d’idées, on s’interrogera pareillement sur le fait que
l’anthropologie soit si peu représentée parmi les commentateurs.
L’auteur de la préface générale, Vincent Debaene, se réclame de la
critique littéraire et se réserve le commentaire de Tristes Tropiques,
tandis que le philosophe Frédéric Keck s’approprie Le Totémisme
aujourd’hui et La Pensée sauvage et revient compléter la notice
introductive du cycle que Lévi-Strauss lui-même aurait appelé ses
xA0;petitesxA0; Mythologiques, à savoir La Voie des masques, La Potière
jalouse et Histoire de lynx, que rédige par ailleurs notre collègue
Marie Mauzé. Lui échoit également, il est vrai, la tache de rédiger les
notes de ce corpus (notes encore moins nécessaires que jamais pour des
textes qui disposent d’un système de références répondant aux exigences
habituelles en matière de production scientifique). Un spécialiste de
l’esthétique enfin, Martin Rueff, prend en charge le volet xA0;artxA0;
chez Lévi-Strauss s’attachant à relire attentivement Regarder écouter
lire et à dissiper quelques malentendus à son propos.4 Indépendamment du
rabaissement de l’anthropologie comme discipline qu’elle implique, les
qualités et les attributions de chacun des commentateurs donnent
l’impression d’une compartimentation un peu abrupte des intérêts de
Lévi-Strauss.