Rêves de jeunesse, ditil, je vous ai faits aussi !Eh bien, si c’est un rêve,
reprit Consuelo, letriomphe de l’orgueil en est un aussi. Rêve pour rêve,j’aime
mieux le mien. Ensuite j’ai un second mobile,ma?tre : le désir de t’obéir et de
te complaire.Je n’en crois rien, rien , s’écria le Porpora en prenant son
bougeoir avec humeur et en tournant ledos ; mais dès qu’il eut la main sur le
bouton de saporte, il revint sur ses pas et alla embrasser Consuelo,qui
attendait en souriant cette réaction de sensibilité. Il y avait dans la cuisine,
qui touchait à la chambrede Consuelo, un petit escalier en échelle qui
conduisaità une sorte de terrasse de six pieds carrés au revers dutoit. C’était
là qu’elle faisait sécher les jabots et lesmanchettes du Porpora quand elle les
avait blanchis.C’était là qu’elle grimpait quelquefois le soir pourbabiller avec
Beppo, quand le ma?tre s’endormait detrop bonne heure pour qu’elle e?t envie de
dormir ellemême.
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longchamp
Ne pouvant s’occuper dans sa propre chambre,qui était trop
étroite et trop basse pour contenir unetable, et craignant de réveiller son
vieil ami ens’installant dans l’antichambre, elle montait sur laterrasse, tant?t
pour y rêver seule en regardant lesétoiles, tant?t pour raconter à son camarade
dedévouement et de servitude les petits incidents de sajournée. Ce soirlà, ils
avaien t de part et d’autre millechoses à se dire. Consuelo s’enveloppa d’une
pelissedont elle rabattit le capuchon sur sa tête pour ne pasprendre
d’enrouement, et alla rejoindre Beppo, quil’attendait avec impatience. Ces
causeries nocturnes surles toits lui rappelaient les entretiens de son
enfanceavec Anzoleto ; ce n’était pas la lune de Venise, lestoits pittoresques
de Venise, les nuits embrasées par l’amour et l’espérance ; mais c’était la nuit
allemandeplus rêveuse et plus froide, la lune allemande plusvaporeuse et plus
sévère ; enfin, c’était l’amitié avec sesdouceurs et ses bienfaits, sans les
dangers et lesfrémissements de la passion. Lorsque Consuelo eut raconté tout ce
qui l’avaitintéressée, blessée ou divertie chez la margrave, et quece fut le
tour de Joseph à parler : Tu as vu de ces secrets de cour, lui ditil,
lesenveloppes et les cachets armoriés ; mais comme leslaquais ont coutume de
lire les lettres de leurs ma?tres,c’est à l’antichambre que j’ai appris le
contenu de la viedes grands. Je ne te raconterai pas la moitié des proposdont la
margrave douairière est le sujet. Tu en frémiraisd’horreur et de dégo?t. Ah ! si les gens du mondesavaient comme les valets parlent d’eux ! si,
de cesbeaux salons où ils se pavanent avec tant de dignité, ilsentendaient ce
que l’on dit de leurs m?urs et de leurcaractère de l’autre c?té de la cloison ?
Tandis que lePorpora, tout à l’heure, sur les remparts, nous étalait sathéorie
de lutte et de haine contre les puissants de laterre, il n’était pas dans la
vraie dignité. L’amertumeégarait son jugement. Ah ! tu avais bien raison de le
luidire, il se ravalait au niveau des grands seigneurs, enprétendant les écraser
de son mépris. Eh bien, il n’avaitpas entendu les propos des valets dans
l’antichambre, et, s’il l’e?t fait, il e?t compris que l’orgueil personnelet le
mépris d’autrui, dissimulés sous les apparences durespect et les formes de la
soumission, sont le propredes ames basses et perverses. Ainsi le Porpora était
bienbeau, bien original, bien puissant tout à l’heure ; quandil frappait le pavé
de sa canne en disant : Courage,inimitié, ironie sanglante, vengeance éternelle
! Mais tasagesse était plus belle que son délire, et j’en étaisd’autant plus
frappé que je venais de voir des valets,des opprimés craintifs, des esclaves
dépravés, qui, euxaussi, disaient à mes oreilles avec une rage sourde etprofonde
: Vengeance, ruse, perfidie, éternel dommage,éternelle inimitié aux ma?tres qui
se croient nossupérieurs et dont nous trahissons les turpitudes ! Jen’avais
jamais été laquais, Consuelo, et puisque je lesuis, à la manière dont tu as été
gar?on durant notrevoyage, j’ai fait des réflexions sur les devoirs de monétat
présent, tu le vois.Tu as bien fait, Beppo, répondit la Porporina ; lavie est
une grande énigme, et il ne faut pas laisserpasser le moindre fait sans le
commenter et lecomprendre. C’est toujours autant de deviné.
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