Il n'y avait personne dans ce jardin, qui, comme l'indique son nom, appartenait
à une société particulière : celle des arbalétriers. Mais, y e?t-il eu des
promeneurs, l'homme p?le e?t été digne de tout leur intérêt, car sa longue
moustache, son pas qui conservait une allure militaire, bien qu'il f?t ralenti
par la souffrance, indiquaient assez que c'était quelque officier blessé dans
une occasion récente qui essayait ses forces par un exercice modéré et reprenait
la vie au soleil. Cependant, chose étrange ! lorsque le manteau dont, malgré la
chaleur naissante, cet homme en apparence inoffensif était enveloppé s'ouvrait,
il laissait voir deux longs pistolets pendant aux agrafes d'argent de sa
ceinture, laquelle serrait en outre un large poignard et soutenait une longue
épée qu'il semblait ne pouvoir tirer, tant elle était colossale, et qui,
complétant cet arsenal vivant, battait de son fourreau deux jambes amaigries et
tremblantes. En outre, et pour surcro?t de précautions, le promeneur, tout
solitaire qu'il était, lan?ait à chaque pas un regard scrutateur, comme pour
interroger chaque détour d'allée, chaque buisson, chaque fossé. Ce fut ainsi que
cet homme pénétra dans le jardin, gagna paisiblement une espèce de petite
tonnelle donnant sur les boulevards, dont il n'était séparé que par une haie
épaisse et un petit fossé qui formaient sa double cl?ture. Là, il s'étendit sur
un banc de gazon à portée d'une table où le gardien de l'établissement, qui
joignait à son titre de concierge l'industrie de gargotier, vint au bout d'un
instant lui apporter une espèce de cordial. Le malade était là depuis dix
minutes et avait à plusieurs reprises porté à sa bouche la tasse de fa?ence dont
il dégustait le contenu à petites gorgées, lorsque tout à coup son visage prit,
malgré l'intéressante p?leur qui le couvrait, une expression effrayante. , Il venait d'apercevoir, venant de la Croix-Faubin par un sentier qui
est aujourd'hui la rue de Naples, un cavalier enveloppé d'un grand manteau,
lequel s'arrêta proche du bastion et attendit. Il y était depuis cinq minutes,
et l'homme au visage p?le, que le lecteur a peut-être déjà reconnu pour
Maurevel, avait à peine eu le temps de se remettre de l'émotion que lui avait
causée sa présence, lorsqu'un jeune XIV-Orthon 123 Page 128 La Reine Margot -
Tome II homme au justaucorps serré comme celui d'un page arriva par ce chemin
qui fut depuis la rue des Fossés-Saint-Nicolas, et rejoignit le cavalier. Perdu
dans sa tonnelle de feuillage, Maurevel pouvait tout voir et même tout entendre
sans peine, et quand on saura que le cavalier était de Mouy et le jeune homme au
justaucorps serré Orthon, on jugera si les oreilles et les yeux étaient occupés.
L'un et l'autre regardèrent autour d'eux avec la plus minutieuse attention ;
Maurevel retenait son souffle. Vous pouvez parler, monsieur, dit le premier
Orthon, qui, étant le plus jeune, était le plus confiant, personne ne nous voit
ni ne nous écoute. C'est bien, dit de Mouy. Tu vas allez chez madame de Sauve ;
tu remettras ce billet à elle-même, si tu la trouves chez elle ; si elle n'y est
pas, tu le déposeras derrière le miroir où le roi avait l'habitude de mettre les
siens ; puis tu attendras dans le Louvre. Si l'on te donne une
réponse, tu l'apporteras où tu sais ; si tu n'en as pas, tu viendras me chercher
ce soir avec un poitrinal à l'endroit que je t'ai désigné et d'où je sors. Bien,
dit Orthon ; je sais. Moi, je te quitte ; j'ai fort affaire pendant toute la
journée. Ne te h?te pas, toi, ce serait inutile ; tu n'as pas besoin d'arriver
au Louvre avant qu'il y soit, et je crois qu'il prend une le?on de chasse au vol
ce matin. Va, et montre-toi hardiment. Tu es rétabli, tu viens remercier madame
de Sauve des bontés qu'elle a eues pour toi pendant ta convalescence. Va,
enfant, va.
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