. 171 Page 176 Le Comte de Monte-Cristo, Tome IV volonté à son secours,
s'effor?a de fermer les yeux ; mais, cette fonction du plus craintif de nos
sens, cette fonction, si simple d'ordinaire, devenait en ce moment presque
impossible à accomplir, tant l'avide curiosité faisait d'efforts pour repousser
cette paupière et attirer la vérité. Cependant, assurée, par le silence dans
lequel avait recommencé à se faire entendre le bruit égal de la respiration de
Valentine, que celle-ci dormait, Mme de Villefort étendit de nouveau le bras, et
en demeurant à demi dissimulée par les rideaux rassemblés au chevet du lit, elle
acheva de vider dans le verre de Valentine le contenu de sa fiole. Puis elle se
retira, sans que le moindre bruit avert?t Valentine qu'elle était partie. Elle
avait vu dispara?tre le bras, voilà tout ; ce bras frais et arrondi d'une femme
de vingt-cinq ans, jeune et belle, et qui versait la mort. Il est impossible
d'exprimer ce que Valentine avait éprouvé pendant cette minute et demie que Mme
de Villefort était restée dans sa chambre. Le grattement de l'ongle sur la
bibliothèque tira la jeune fille de cet état de torpeur dans lequel elle était
ensevelie, et qui ressemblait à de l'engourdissement. , Elle souleva la tête avec effort. La porte, toujours silencieuse,
roula une seconde fois sur ses gonds, et le comte de Monte-Cristo reparut. ?Eh
bien, demanda le comte, doutez-vous encore . ? mon Dieu ! murmura la jeune
fille. Vous avez vu . Hélas ! Vous avez reconnu .? Valentine poussa un
gémissement. ?Oui, dit-elle, mais je n'y puis croire. Vous aimez mieux mourir
alors, et faire mourir Maximilien ! ... Mon Dieu, mon Dieu ! répéta la jeune
fille presque égarée ; mais ne puis-je donc pas quitter la maison, me sauver ...