Et je les vis, | assises Dans leur gloi | re, sur leurs tr?nes d'or |
ou debout, | Reines de clarté | dans la clarté. | Mais surtout, etc...ou
bien: . . .
. . . . . Et, triomphant sans _vaines_ Entra | ves, ses beaux seins aigus montraient leurs veines D'un p?le azur.. .ou encore: Et, secouant ses lourds cheveux épars, | aux _fines_ Lueurs
d'or, | elle dit ces paroles divines.Et il ne s'aper?oit pas qu'à moins
d'une accentuation iroquoise, qui amusedans des vers burlesques mais
qui serait déplaisante ici, la rime, àlaquelle il a tout sacrifié,
dispara?t elle-même par cette suppression durythme traditionnel.Il y a
pourtant, dans cette paradoxale théorie sur la rime, sur son r?le,sur la
manière dont elle nous vient, une assez grande part de vérité. Ouplut?t
cette théorie est vraie pour M. de Banville: c'est sa proprepratique
érigée en précepte. Mais aussi je con?ois très bien une marche
decomposition absolument inverse: la rime trouvée la plupart du temps à
lafin, non au commencement; les ?vers nécessaires? surgissant d'abord
engrand nombre et presque sans préoccupation de la rime, puis accouplés
oureliés par un travail de patience et d'adresse.
La rime alors ne joue qu'unr?le subordonné. Tous les mots éclatants ne
sont pas à la fin du vers. Mêmeles classiques y pla?aient volontiers
des mots effacés, estimant que lapoésie est dans le vers _tout entier_
et dans le rythme aussi bien que dansla rime, et craignant sans doute
que la rime ne tir?t tout le vers à elle,ne le dévor?t, et aussi que son
opulence ne sent?t trop le tour de force.Quand La Harpe condamnait chez
Roucher, comme rimes trop voyantes, _flèche_et _brèche_, _je foule_ et
_en foule_, il était en plein dans la traditionclassique. On laissait
ces amusettes au genre burlesque: Racine ne se lespermettait que dans la
farce des _Plaideurs_. La rime, pour cespatriarches, ne servait qu'à
marquer la mesure: M. de Banville leur feraitl'effet d'un musicien qui,
pour la marquer plus fortement, mettrait àchaque fois un point d'orgue
et un coup de grosse caisse, et qui, dans lesintervalles, soignerait
médiocrement sa phrase mélodique.