Les trois premiers jours, sa nourriture se composa de
bouillons, d'?ufsfrais et de gelée; et sa boisson de tisane d'orge, de
chiendent et deréglisse chaude. Lorsque la fièvre de lait fut passée, on
donna despotages et du poulet, et elle but un peu de vin trempé.Une
précaution regardée comme très-importante était de ne laisser entrerdans
la chambre de l'accouchée aucune personne ayant sur elle quelqueodeur.
Aussi un huissier était-il placé à la porte de l'appartement dela
princesse, avec ordre de sentir toutes les dames, et de renvoyercelles
ayant quelque parfum ou quelque fleur, non-seulement pendant lesneuf
premiers jours, mais même pendant les six semaines qui
suivirentl'accouchement. Dionis.[29] Dans son livre du _Palais de
Versailles_, M. Vatout dit qu'après lanaissance du duc de Bourgogne,
Louis XIV s'étant montré en public, lepeuple le porta depuis la
surintendance, où la Dauphine était accouchée,jusqu'à ses appartements.
On voit, par ce récit, que cette scèned'effusion entre Louis XIV et
ses courtisans eut lieu dans l'intérieurdu palais, et que _le peuple_
n'y prit aucune part. L'erreur de M.Vatout vient, on l'a déjà fait
remarquer, de ce qu'il a confondu lasurintendance avec le pavillon de la
surintendante.[30] Il y avait alors la grande cour, appelée aussi
première cour,fermée par la grille que l'on voit encore aujourd'hui; la
deuxième cour,ou cour royale, séparée de la première par une grille
aujourd'huidétruite, et la troisième cour, ou cour de marbre.[31]
L'?tape était une espèce de halle aux vins, dans laquelle lesmarchands
de vins en gros de la ville déposaient leurs pièces pour lesvendre aux
habitants. Elle était située derrière l'ancienne ge?le.[32] La pompe,
située rue des Réservoirs, sur l'emplacement durestaurant Duboux, était
un instrument hydraulique servant à éleverl'eau de l'étang de Clagny
dans les réservoirs du ch?teau, pour de làles distribuer dans les
bassins du parc. Plus tard, madame de Pompadourfit b?tir son h?tel sur le même
emplacement.[33] Tous les ornements de plomb de la toiture du ch?teau et
des ailesdes ministres étaient dorés.[34] Sauf les grands seigneurs,
les habitants de Versailles étaientalors composés de paysans,
d'ouvriers, et de gens de bas étage, attiréspar les travaux que faisait
faire le roi, et par les privilèges qu'ilaccorda aux premiers
propriétaires de la ville. Les marguilliers de laparoisse, se
considérant comme les représentants des bourgeois de laville, ne
voulurent pas laisser passer une occasion si favorable de sedistinguer,
ce qui amena une scène assez plaisante.Ils allèrent trouver Bontemps,
premier valet de chambre du roi et alorsgouverneur de Versailles; ils
lui représentèrent que, dans unecirconstance aussi solennelle, ils ne
pouvaient se dispenser de porterau roi les félicitations des habitants
de Versailles, et le prièrent deles présenter à Louis XIV. Bontemps en
parla au roi, qui voulut bien lesrecevoir et leur assigna une heure le
lendemain.A l'heure indiquée, Bontemps, comme gouverneur de Versailles,
avait crudevoir se mettre à la tête de la députation.
Il les introduisit dans lesalon où se trouvait le roi; mais, à peine y
furent-ils entrés, que,sans donner à Bontemps le temps de prononcer la
formule d'usage: ?Sire,voici les bourgeois de Versailles que je présente
à Votre Majesté?, l'undes marguilliers, nommé Colette, épicier de
profession, chargé de fairele compliment, enthousiasmé sans doute par la
présence du roi, se mit àchanter à pleine gorge: _Domine salvum fac
regem_, auquel lesmarguilliers, électrisés à leur tour par la voix de
lutrin de leurorateur, répondirent: _Et exaudi nos in die, qua
invocaverimuste_.--Louis XIV ne s'attendait pas à un pareil discours. Il
ne putconserver sa gravité et se mit à rire, ainsi que tous les
seigneurs quil'entouraient. Mais Bontemps, peu flatté du r?le que
venaient de luifaire jouer les marguilliers, leur fit de vifs reproches
et les poussahors du salon, d'où ils se retirèrent un peu confus de leur
réception.[35] Louis XIV aimait le faste et la représentation.
Lorsqu'il résolutde venir habiter Versailles, l'un de ses premiers soins
fut d'ordonnerla construction d'un escalier qui annon??t dignement la
magnificence desappartements de ce palais. Levau et Dorbay furent
chargés de saconstruction, et Lebrun de sa décoration.