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2014-06-25 10:22:15

Au lieu deruses et de mensonges, je fus décidé à ne procéder dans ma missionqu'avec franchise et vérité. Je commen?ai par convenir des premierstorts de l'église romaine, principes de la scission de l'égliseprotestante; tels que le luxe, le libertinage de ses ministres et lavente des indulgences; mais j'exposai que ces torts n'avoient aucunrapport au spirituel du culte, que l'église romaine étoit la premièreà les condamner, et qu'on devoit les considérer avec elle comme une deces maladies des corps politiques dont aucun corps sur la terre n'estexempt. J'insistois sur l'indulgence que toutes les communionschrétiennes se doivent entr'elles comme soeurs, indulgence que lelégislateur du christianisme a tant recommandée à ses disciples.Maintenant, direz-vous, nous sommes divisés d'opinion sur lesprincipaux articles du culte; lequel des deux se rétractera de Rome oude nous? Vous êtes, leur répondois-je, comme des frères en procès pourune bagatelle, qui finissent par y consumer une partie de leurpatrimoine. Votre morale commune étant encore la même, il ne tientqu'à vous de vous réunir sur le reste.C'étoit là le texte ordinaire de mes discours. Je le commentois, jel'expliquois, je t?chois d'en faire des applications frappantes; carle langage du peuple est en proverbes et en exemples comme celui desphilosophes en principes.
Ces moyens prospéroient au-delà de mes espérances; je voyois de jouren jour s'augmenter le nombre des prosélytes d'un culte désormaisépuré, et qui sembloit n'être plus animé que de l'esprit de douceur etde raison de son divin instituteur. Mais, soit qu'ailleurs on e?temployé d'autres armes qui eussent soulevé les protestans au lieu deles gagner; soit qu'un zèle trop ardent ne p?t supporter les moindresretards, le gouvernement changea tout-à-coup de mesures. Il ordonnad'emprisonner les ministres de la secte proscrite et d'enlever lesenfans parvenus à l'?ge de sept ans, pour les élever dans la croyancedominante. L'archevêque de la province, prélat d'une piété éclairée,le digne ami de Fénelon, étoit aussi ennemi que moi des voies derigueur; il m'avoit secondé de tout son pouvoir, en s'effor?ant demodérer celui de l'intendant dont le caractère et les principesétoient entièrement opposés. En apprenant les nouveaux ordres de lacour, il m'engagea à me transporter au milieu de ces montagnes quialloient être livrées au despotisme des subalternes de l'autorité,toujours plus insolens que leurs ma?tres. Je m'y rendis. Déjà leministre du canton avoit disparu, et l'on se disposoit à arracher lesenfans des bras de leurs mères éplorées: mon nom, le crédit de mafamille, le pouvoir dont on me croyoit revêtu, en imposèrent auxsatellites de la tyrannie, et j'obtins qu'ils sursoieroient àl'exécution, jusqu'à ce que j'eusse re?u réponse du ministre à quij'allois écrire. On m'accorda ce que je demandois, mais à la conditionde diriger et d'affermir moi-même ces enfans dans la bonne voie queleurs coupables pères avoient abandonnée. Je restai donc seul chefspirituel de ce village. L'expérience m'avoit trop bien assuré de labonté de mes moyens, pour que je songeasse à en employer d'autres.Ainsi, afin de gagner la confiance de mon troupeau et de le ramenersur mes pas dans l'ancienne route, je le suivis dans la sienne, dumoins en tout ce qui étoit commun à leur culte et au mien. Je leurprêchois la morale de Jésus, je leur lisois l'Evangile, je leurmontrois dans leurs malheurs le Dieu de toute la terre, qui récompensela résignation et la vertu. Ils me regardoient comme leur proprepasteur, et ils auroient infailliblement fini par devenir les brebisde l'Eglise romaine: la peur des dragonades est venue
Je ne puis me faire aucun reproche: j'aiépargné des crimes à la France, et j'aurois soumis à sa puissancespirituelle les plus zélés soutiens de sa gloire et de saprospérité[12]. [12] Je supprime ici le récit des divers évènemens d'un intérêt concentré dans l'intérieur du Vallon: ce récit comprend l'historique de plusieurs années; mais on con?oit qu'il est peu d'objets d'un intérêt général dans l'histoire d'un peuple sans ambition, sans distinction de richesses, de pouvoirs et d'honneurs, et de plus sans ennemis au dehors, et par conséquent sans batailles et sans héros. Tranquille au milieu des guerres les plus sanglantes, il n'eut connoissance que de celle entre la France et l'Espagne, à l'occasion du testament de Charles II, qui embrasa toute l'Europe au commencement du 18e siècle. Voici ce qui est dit de cette guerre dans les Annales. (Note de M. de Montagnac.)CHAPITRE X.

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