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2014-03-11 16:06:08

S'il raconte quelquefête où ce qui nous reste d'aristocratie s'est encanaillé plus que deraison, il sait qu'il faut s'attrister, et il s'attriste. S'il vapendant les vacances visiter son pays natal et la maison où il a passéson enfance, il sait qu'il faut s'attendrir, et il s'attendrit. S'ilparle de Mgr l'archevêque de Paris, il sait qu'il convient que ledigne prélat soit ?un fin prélat?, et il lui prête des mots, et ilnous entretient avec émotion des bons rapports du cardinal avecl'acteur Berthelier. S'il parcourt les églises pendant le carême, ilsait qu'il est convenable d'y porter une ?me religieuse, et il l'yporte... Mais comme on sent que tout cela lui est égal! Il a le don desaisir avec prestesse les traits fugitifs de la comédie contemporaine,de s'en amuser et d'en amuser les autres: pas l'ombre de prétention,une bienveillance très philosophique, au fond une indifférenceabsolue.
Celui-là est un Parisien.IIHENRY FOUQUIERUn bouddhiste me dit:--Cette série de chroniqueurs est sans intérêt. S'il est vrai que ledernier effort de la critique soit de définir les esprits, elle neserait pas malavisée de laisser de c?té les journalistes. Car on neles peut définir qu'en bloc, étant tous semblables les uns aux autreset à peu près indiscernables (sauf quelques-uns que l'oncaractériserait suffisamment en quelques lignes). Il y a à celaplusieurs raisons. D'abord la besogne du journalisme souffremerveilleusement une certaine médiocrité d'esprit. Elle la réclamepresque et quelquefois elle la donne. Puis on sait où et comment serecrute, en grande partie, la rédaction des journaux. De bons jeunesgens, de plus de prétention que de littérature, qui auraient pu faired'excellents notaires ou des commer?ants habiles, s'imaginent (?candeur!) que rien n'est plus beau, plus noble ni plus agréable qued'être imprimé et lu tous les jours. Ils veulent ?entrer dans unjournal?; ils finissent par y entrer et ils y montent en grade à peuprès comme dans un ministère. Là ils écrivent toute leur vie leschoses quelconques qu'ils sont capables d'écrire. Qui en a lu un, alu les autres. Le journalisme politique surtout est, dans sonensemble, admirable d'inutilité et parfois de niaiserie. Mais lachronique même--sauf les exceptions que tout le monde conna?t--n'estguère plus reluisante.
Vous avez une bonne douzaine de chroniqueurs,jeunes ou vieux, chez qui vous retrouverez le même échauffementartificiel, le même désir vulgaire d'étonner, la même outrance facile,le même claquement de cravache, au reste le même vide et souvent lamême insuffisance de style et, par endroits, de syntaxe. Ceux mêmesqui sont nés avec quelque originalité d'esprit ont beaucoup de peine àla garder intacte. La nécessité de la besogne quotidienne, le peu detemps laissé à la réflexion, l'obligation de ?faire sa copie? mêmequand on n'a rien à dire, absolument rien, tout cela fait glisser lesmeilleurs à une certaine banalité, soit à des lieux communsinsupportables, soit à des paradoxes aussi insipides que des lieuxcommuns. Il ne faut ni s'en étonner ni surtout en triompher. C'est làune des conséquences fatales de ce très étrange métier de journaliste.Ceux surtout qui écrivent tous les jours, si excellemment doués qu'ilssoient, n'y échappent pas. L'originalité de la forme ou de la pensée apresque toujours besoin, pour s'achever, du recueillement d'un travailvolontaire.

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