15 Coquetterie ou scrupulexA0;? Le ma?tre d’?uvre principal de cette somme prend soin, dans sa présentation, de nous avertir qu’en dépit de l’article défini de l’intitulé, ce qui est proposé au lecteur n’est pas xA0;l’état des savoirs sur la ville et l’urbainxA0;, mais plut?t xA0;unxA0; état parmi d’autres possibles. Reste à savoir de quel type. 16 Pour confectionner cet ouvrage, une bonne trentaine de chercheurs relevant de plusieurs disciplines ont été mobilisés. Il faut dire que l’entreprise était d’envergure. Sans prétendre à l’exhaustivité, il ne s’agissait rien moins que de livrer un panorama significatif de la recherche urbaine fran?aise, non seulement au travers de ses acquis les plus récents, mais aussi de ses questionnements et des débats qui peuvent en résulter. Outre l’introduction, qui n’est pas que de pure forme — nous y reviendrons —, trente-six chapitres permettent d’aborder la plupart des thématiques et des problématiques qu’étudiants et professionnels se doivent de conna?tre s’ils ne veulent pas faire figure de béotiens dans le domaine où ils sont — ou seront —, à un titre ou à un autre, appelés à ?uvrerxA0;: la xA0;politique urbainexA0;. En revanche, les lecteurs qui espéreraient dénicher parmi ces xA0;contributions synthétiques des meilleurs spécialistes fran?aisxA0; une approche critique autre qu’xA0;internexA0; de l’urbanisation capitaliste contemporaine en seront pour leurs frais.
--> 17 On y chercherait vainement, en effet, un point de vue qui se départe de la vision dominante sur la société, en général, et sur xA0;la villexA0;, en particulier. Autant dire que, pour qui voudrait dégager les tenants et les aboutissants idéologiques de la recherche urbaine en France xA0;à l’aube du xxie sièclexA0;, ce recueil a le mérite de constituer un corpus tout trouvé. 18 Tenons-nous en nous-mêmes, pour commencer, à une critique interne, c’est-à-dire à l’ambition des codirecteurs de l’ouvrage de fournir au public concerné un vade-mecum du scientifiquement correct sur le xA0;fait urbainxA0;. Clairs, concis, documentés, rigoureux, une dizaine de chapitres, sur le total, peuvent répondre à l’attente de ce public, entre autres, sur la sociologie, l’anthropologie, les réseaux, l’xA0;usagerxA0;, le patrimoine urbains… Une autre dizaine, semble, au contraire, avoir été écrits à la vavite pour xA0;boucher des trousxA0;xA0;: questions traitées par-dessus la jambe, argumentation à l’emporte-pièce, style baclé. Le reste, soit une quinzaine de chapitres, pourrait être dispatché entre les rubriques xA0;RebondsxA0; et xA0;DébatsxA0; de la presse de marché, censées donner du sens aux xA0;mutationsxA0; — terme fétiche de l’élite médiatico-pensante — en cours. 19 Si tous abondent en xA0;interrogationsxA0; et xA0;hypothèsesxA0; sur les xA0;perspectivesxA0; offertes par la xA0;nouvelle civilisation urbainexA0; en gestation, l’ordre social qui la sous-tend échappe, à une ou deux exceptions près, à toute remise en cause. C’est pourquoi, sauf à considérer, comme le font implicitement les auteurs, que celui-ci constitue l’horizon indépassable de notre temps (et de ceux à venir), ces discours nous paraissent redevables d’une critique externe. Faute de place, elle sera évidemment succincte. 20 Passons sur la fréquence des renvois d’ascenseur et la propension à l’autocélébrationxA0;: les citations ou mentions complaisantes à l’égard des collègues font partie des m?urs du milieu académique. De même nous semble-t-il inutile de s’attarder sur les truismes qui foisonnent également, émis sur le mode péremptoire et solennel de rigueur. On nous rappelle, par exemple, à l’issue d’une laborieuse dissertation xA0;philosophiquexA0; sur la place respective de xA0;l’AutrexA0; et du xA0;semblablexA0; dans la xA0;culture urbainexA0; de notre monde xA0;globaliséxA0;, que xA0;le xA0;fairexA0; ne se concevait pas sans le xA0;savoirxA0;, et que xA0;savoir-fairexA0; et xA0;faire savoirxA0; s’épaulaient mutuellementxA0; (p. 389). Quitte à invoquer les manes d’Heidegger — le pédantisme va souvent de pair avec la platitude — pour --> donner à ce lieu commun, hors sujet, de surcro?t, une apparence de profondeur. 21 Les v?ux pieux ne sont pas rares, non plus, en particulier dans nombre de paragraphes conclusifs.
ExemplexA0;: xA0;à l’échelle du monde, si l’humanité peut loger les siens, elle doit le faire. Ce défi peut être relevé. à condition d’être reconnu.xA0; [p. 358]. Chez certains chercheurs, le v?u pieux est déjà devenu réalité, au prix d’une solide contre-vérité. Ainsi en va-t-il d’une tirade finale à la gloire du xA0;modèle européenxA0; de la xA0;ville compactexA0; qui, xA0;tous murs tombés, choisit librement l’être-ensemble dans l’espace public et chasse les démons de l’écartxA0; (p.
