à La Duchère, les plus démunis des habi-tants ont été installés dans le stade le temps de la démolition de la barre Chicago, et on leur a proposé des jeux de société pour faire diversion à ce qui faisait événement dans leur vie. L’espace clos ne portait aucune magni-fication de ceux qui sont voués à abandonner les investissements faits dans leur appartement depuis quinze ou vingt ans, ceux qui avaient prévu de passer leur retraite chez eux et qui, relogés ailleurs, ne pourront plus recevoir leurs petits-enfants.58 Ce serait ainsi la dimension sacrée de la politique qui serait mise en 339;uvre, mais parce qu’elle n’est pas traduite dans l’ordre de la loi, elle est potentiellement facteur d’une relance de la violence, parfois tournée contre soi-même. à Villeurbanne et à La Duchère, les centres sociaux ont été br?lés et dévalisés à plusieurs reprises en 2003 et en 2004?; les jeunes gens qui ont été incriminés ont dit qu’ils ne supportaient pas de voir que l’on dépensait plus pour les jeunes enfants que pour eux, qu’ils avaient un double sentiment?: celui d’être des laissés-pour-compte sociaux et géné-rationnels. Retour aux dégats de l’exclusion...
Le ?faire parler? n’est pas le logos politique59 Si l’espace commun local peut devenir un espace public éphémère où l’on prend la parole et échange des opinions, ces paroles et ces opinions ne trouvent pas de relais plus classiques, associatifs et politiques. L’espace public se referme sit?t les répétitions, la préparation terminées.60 ?Deux grandes formes d’effectivité sensible de la parole, le théatre et l’écriture viennent brouiller les places, c’est-à-dire la distribution des lieux. Régime d’indétermination des identités, de délégitimation des posi-tions de parole, de dérégulation des partages de l’espace et du temps. Ce régime est celui de la démocratie.?[40] [40]Jacques RANCI232;RE, op. cit. , p. x00A0;15. ...suite? Cette définition des arts de la démo-cratie conduit à penser que ce sont les formes danse et art plastique qui empêchent cette démocratie culturelle d’être pleinement démocratique. Il y faudrait quelque tour de théatre et de littérature pour que cette politique advienne.
61 Il y a sans doute une difficulté liée aux arts choisis mais il est aujour-d’hui illusoire de croire que le passage par le théatre et l’écriture résolve ces problèmes. On ne cesse de récolter de la parole mémorielle et de la transformer en écriture. Cela a été le cas à La Duchère, la Compagnie des Arpenteurs a produit un spectacle à partir des énoncés des habitants dans des ateliers d’écriture. Or, ce faire parler, s’il a permis de produire un spectacle assez attachant et touchant, ne produit pas de politique mais simplement une visibilité de l’intimité sociale des habitants d’un quartier défavorisé. On observe des potentialités politiques dans la mise en place de tel ou tel comité de quartier, la rage qui point à la fin du spectacle?; toutefois, à la fin, tout le monde rentre chez soi. Cette parole récoltée, puis mise en scène a plus à voir avec la domination rapprochée?[41] [41]Dominique MEMMI, 2003, op. cit.
