Mais Henri ne fut tranquille que lorsqu'il eut vu M. de Nancey revenir à
Catherine, et qu'il eut compris à la contraction du visage de la reine mère que
celui-ci lui annon?ait qu'il était arrivé trop tard. L'audience était finie.
Marguerite échangeait encore quelques paroles non officielles avec Lasco. Le roi
se leva chancelant, salua et sortit appuyé sur l'épaule d'Ambroise Paré, qui ne
le quittait pas depuis l'accident qui lui était arrivé. Catherine, p?le de
colère, et Henri, muet de douleur, le suivirent. Quant au duc d'Alen?on, il
s'était complètement effacé pendant la XII-Les ambassadeurs 111 Page 116 La
Reine Margot - Tome II cérémonie ; et pas une fois le regard de Charles qui ne
s'était pas écarté un instant du duc d'Anjou, ne s'était fixé sur lui. ,
Le nouveau roi de Pologne se sentait perdu. Loin de sa mère, enlevé par ces
barbares du Nord, il était semblable à Antée, ce fils de la Terre, qui perdait
ses forces, soulevé dans les bras d'Hercule. Une fois hors de la frontière, le
duc d'Anjou se regardait comme à tout jamais exclu du tr?ne de France. Aussi, au
lieu de suivre le roi, ce fut chez sa mère qu'il se retira. Il la trouva non
moins sombre et non moins préoccupée que lui-même, car elle songeait à cette
tête fine et moqueuse qu'elle n'avait point perdue de vue pendant la cérémonie,
à ce Béarnais auquel la destinée semblait faire place en balayant autour de lui
les rois, princes assassins, ses ennemis et ses obstacles. En voyant son fils
bien-aimé p?le sous sa couronne, brisé sous son manteau royal, joignant sans
rien dire, en signe de supplication, ses belles mains, qu'il tenait d'elle,
Catherine se leva et alla à lui. Oh ! ma mère, s'écria le roi de Pologne, me
voilà condamné à mourir dans l'exil ! Mon fils, lui dit Catherine, oubliez-vous
si vite la prédiction de René Soyez tranquille, vous n'y demeurerez pas
longtemps. Ma mère, je vous en conjure, dit le duc d'Anjou, au premier bruit,
au premier soup?on que la couronne de France peut être vacante, prévenez-moi
Soyez tranquille, mon fils, dit Catherine ; jusqu'au jour que nous attendons
tous deux il y aura incessamment dans mon écurie un cheval sellé, et dans mon
antichambre un courrier prêt à partir pour la Pologne. XII-Les ambassadeurs 112
Page 117 XIII-Oreste et Pylade Henri d'Anjou parti, on e?t dit que la paix et le
bonheur étaient revenus s'asseoir dans le Louvre au foyer de cette famille
d'Atrides. Charles, oubliant sa mélancolie, reprenait sa vigoureuse santé,
chassant avec Henri et parlant de chasse avec lui les jours où il ne pouvait
chasser ; ne lui reprochant qu'une chose, son apathie pour la chasse au vol, et
disant qu'il serait un prince parfait s'il savait dresser les faucons, les
gerfauts et les tiercelets comme il savait dresser braques et courants.
Catherine était redevenue bonne mère : douce à Charles et à d'Alen?on,
caressante à Henri et à Marguerite, gracieuse à madame de Nevers et à madame de
Sauve ; et, sous prétexte que c'était en accomplissant un ordre d'elle qu'il
avait été blessé, elle avait poussé la bonté d'?me jusqu'à aller voir deux fois
Maurevel convalescent dans sa maison de la rue de la Cerisaie. Marguerite
continuait ses amours à l'espagnole. Tous les soirs elle ouvrait sa fenêtre et
correspondait avec La Mole par gestes et par écrit ; et dans chacune de ses
lettres le jeune homme rappelait à sa belle reine qu'elle lui avait promis
quelques instants, en récompense de son exil, rue Cloche-Percée. Une seule
personne au monde était seule et dépareillée dans le Louvre redevenu si calme et
si paisible.
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