, 177 Page 182 Le Comte de Monte-Cristo, Tome IV violette qui semblait avoir
filtré sous la peau, formaient une saillie plus blanche à l'endroit où le globe
enflait la paupière, et ses longs cils noirs rayaient une peau déjà mate comme
la cire. Mme de Villefort contempla ce visage d'une expression si éloquente dans
son immobilité ; elle s'enhardit alors, et, soulevant la couverture, elle appuya
sa main sur le cur de la jeune fille. Il était muet et glacé. Ce qui battait
sous sa main, c'était l'artère de ses doigts : elle retira sa main avec un
frisson. Le bras de Valentine pendait hors du lit ; ce bras, dans toute la
partie qui se rattachait à l'épaule et s'étendait jusqu'à la saignée, semblait
moulé sur celui d'une des Gr?ces de Germain Pilon ; mais l'avant-bras était
légèrement déformé par une crispation, et le poignet, d'une forme si pure,
s'appuyait, un peu raidi et les doigts écartés sur l'acajou. La naissance des
ongles était bleu?tre. Pour Mme de Villefort, il n'y avait plus de doute : tout
était fini, l'uvre terrible, la dernière qu'elle e?t à accomplir, était enfin
consommée. L'empoisonneuse n'avait plus rien à faire dans cette chambre ; elle
recula avec tant de précaution, qu'il était visible qu'elle redoutait le
craquement de ses pieds sur le tapis, mais, tout en reculant, elle tenait encore
le rideau soulevé absorbant ce spectacle de la mort qui porte en soi son
irrésistible attraction, tant que la mort n'est pas la décomposition, mais
seulement l'immobilité, tant qu'elle demeure le mystère, et n'est pas encore le
dégo?t. Les minutes s'écoulaient ; Mme de Villefort ne pouvait l?cher ce rideau
qu'elle tenait suspendu comme un linceul au-dessus de la tête de Valentine. Elle
paya son tribut à la rêverie : la rêverie du crime, ce doit être le remords. En
ce moment, les pétillements de la veilleuse redoublèrent. Mme de Villefort, à ce
bruit, tressaillit et laissa retomber le rideau. Au même instant la veilleuse
s'éteignit, et la chambre fut plongée dans une effrayante obscurité. Au milieu
de cette obscurité, la pendule s'éveilla et sonna quatre heures et demie. , L'empoisonneuse, épouvantée de ces commotions successives, regagna en
t?tonnant la porte, et rentra chez elle la sueur de l'angoisse au front. CII.
Valentine.. 178 Page 183 Le Comte de Monte-Cristo, Tome IV L'obscurité continua
encore deux heures. Puis peu à peu un jour blafard envahit l'appartement
filtrant aux lames des persiennes ; puis peu à peu encore, il se fit grand, et
vint rendre une couleur et une forme aux objets et aux corps. C'est à ce moment
que la toux de la garde-malade retentit dans l'escalier, et que cette femme
entra chez Valentine, une tasse à la main.
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