Il est né... impossible ! et cependant cela est ainsi : il est né d'une morte !
La sorcière resta le regard fixe, comme si elle voulait absolumentlire dans
l'obscurité ; son oeil se dilatait et prenait la rondeur de celui du chat et du
hibou, tandis qu'avec la main elle faisait le geste de quelqu'unqui essaye
d'écarter un voile. Michel et Luisa se regardaient ; une sueur froide coulait
sur le front du lazzarone ; Luisa était plus p?le que le peignoirde batiste qui
l'enveloppait. X - L'HOROSCOPE.. , 101 Page 105.La San-Felice, Tome I -Ah ! s'écria Michel après un
instant de silence, et faisant un effortpour s'arracher à la terreur
superstitieuse qui l'écrasait, que nous sommes imbéciles d'écouter cette vieille
folle ! Que je sois pendu, moi, c'est encorepossible ; j'ai mauvaise tête, et,
dans notre condition, avec mon caractère, on dit des mots, on en vient aux
faits, on met la main dans sa poche, on tireun couteau, on l'ouvre, le diable
vous tente on frappe son homme, il tombe, il est mort, un sbire vous arrête, le
commissaire vous interroge, le juge vouscondamne, ma?tre Donato [C'était le nom
du bourreau de Naples à cette époque.] vous met la main sur l'épaule, il vous
passe la corde au cou, il vous pend,très-bien ! Mais toi ! toi, petite soeur !
que peut-il y avoir de commun entre toi et l'échafaud ? quel crime peux-tu même
rêver, avec ton coeur decolombe ? qui peux-tu tuer avec tes petites mains ? Car,
enfin, on ne tue les gens que quand les gens ont tué ; et puis, ici, on ne tue
pas les riches !Tiens, veux-tu savoir une chose, Nanno ? à partir d'aujourd'hui,
on ne dira plus Michel le Fou, on dira Nanno la Folle ! En ce moment, Luisa
saisit lebras de son frère de lait et lui montra du doigt la sorcière. Celle-ci
était toujours immobile et muette à la même place ; seulement, elle s'était
courbéepeu à peu et semblait, à force de volonté, commencer à distinguer quelque
chose dans cette nuit qu'un instant auparavant elle se plaignait de
voirs'épaissir devant elle ; son cou maigre s'allongeait hors de son manteau
noir, et sa tête s'agitait de droite à gauche, comme celle d'un serpent qui va
s'élancer. -Oh ! maintenant, je le vois, je le vois, dit-elle. C'est un beau
jeune homme de vingt-cinq ans, aux yeux et aux cheveux noirs ; il vient,
ilapproche. Lui aussi est menacé d'un grand danger,-d'un danger de mort. -Deux, trois, quatre hommes le suivent ;-ils ont des poignards sous
leurs habits...cinq, six... Puis, tout à coup, comme frappée d'une révélation
subite : -Oh ! s'il était tué ! s'écria-t-elle presque joyeuse.