Alors le comte tira de la poche de son gilet le drageoir en émeraude, souleva
son couvercle d'or, et versa dans la main droite de Valentine une petite
pastille ronde de la grosseur d'un pois. Valentine la prit avec l'autre main, et
regarda le comte attentivement : il y avait sur les traits de cet intrépide
protecteur un reflet de la majesté et de la puissance divines. Il était évident
que Valentine l'interrogeait du regard. ?Oui?, répondit celui-ci. Valentine
porta la pastille à sa bouche et l'avala. ?Et maintenant, au revoir, mon enfant,
dit-il, je vais essayer de dormir car vous êtes sauvée. Allez, dit Valentine,
quelque chose qui m'arrive, je vous promets de n'avoir pas peur. ? Monte-Cristo tint longtemps ses yeux fixés sur la jeune fille,
qui s'endormit peu à peu, vaincue par la puissance du narcotique que le comte
venait de lui donner. Alors il prit le verre, le vida aux trois quarts dans la
cheminée, pour que l'on p?t croire que Valentine avait bu ce qu'il en manquait,
le reposa sur la CI. Locuste. 175, Page 180, Le Comte de Monte-Cristo, Tome IV
table de nuit puis, regagnant la porte de la bibliothèque, il disparut après
avoir jeté un dernier regard vers Valentine, qui s'endormait avec la confiance
et la candeur d'un ange couché aux pieds du Seigneur. CI. Locuste. 176, Page
181, CII. , Valentine. La veilleuse continuait de br?ler sur la cheminée de
Valentine, épuisant les dernières gouttes d'huile qui surnageaient encore sur
l'eau ; déjà un cercle plus rouge?tre colorait l'alb?tre du globe, déjà la
flamme plus vive laissait échapper ces derniers pétillements qui semblent chez
les êtres inanimés ces dernières convulsions de l'agonie qu'on a si souvent
comparées à celles des pauvres créatures humaines ; un jour bas et sinistre
venait teindre d'un reflet d'opale les rideaux blancs et les draps de la jeune
fille. Tous les bruits de la rue étaient éteints pour cette fois, et le silence
intérieur était effrayant. La porte de la chambre d'?douard s'ouvrit alors, et
une tête que nous avons déjà vue parut dans la glace opposée à la porte :
c'était Mme de Villefort qui rentrait pour voir l'effet du breuvage. Elle
s'arrêta sur le seuil, écouta le pétillement de la lampe, seul bruit perceptible
dans cette chambre qu'on e?t crue déserte, puis elle s'avan?a doucement vers la
table de nuit pour voir si le verre de Valentine était vide. Il était encore
plein au quart, comme nous l'avons dit. Mme de Villefort le prit et alla le
vider dans les cendres, qu'elle remua pour faciliter l'absorption de la liqueur,
puis elle rin?a soigneusement le cristal, l'essuya avec son propre mouchoir, et
le repla?a sur la table de nuit.
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