Mais, jusqu’au xiie siècle, ni la composition de leur fortune, ni leurs
revenus, ni leurs modes de vie ne permettent de distinguer clairement
les deux groupes, au demeurant socialement solidaires jusqu’au début du
xiiie siècle. Cette démonstration est l’un des apports essentiels de la
thèse. La démonstration vient d’être étendue à l’ensemble de l’Italie
centro-septentrionale par J.-C. Maire Vigueur qui établit une
équivalence générale entre cives et militia urbaine (J.-C. Maire
Vigueur, Cavaliers et citoyensxA0;: guerre, conflits et société dans
l’Italie communale, xiie-xiiie siècles, Paris, 2003).
30 Le territoire du Padouan est, comme le reste de l’Italie du Nord, un
territoire militarisé et seigneurialisé. Rippe souligne la résistance
des cadres hérités de l’Antiquité tardive, certains des plus importants
castra, comme Piove di Sacco étant des vici qui n’ont pas connu de
solution de continuité dans leur occupation. La stabilité du cadre
général de l’habitat padouan s’accompagne d’une particularité
localexA0;: alors que le modèle de l’incastellamento suppose que le
village fortifié soit la résidence commune des paysans et de leur
seigneur, de nombreux indices montrent que, ici, le castrum n’est pas
habité par les paysans mais par les seuls seigneurs. Les communautés
rurales, composées d’alleutiers, vivent en dehors de l’organisme castral
dans des habitats ouverts. Ce dédoublement appara?t comme l’un des
signes de la force des communautés qui coexistent avec la noblesse
chatelaine. Le castrum padouan n’exerce pas la fonction structurante qui
est la sienne dans le Latium. Chef-lieu d’une circonscription, cadre
d’une seigneurie territoriale, le castrum est davantage lié à l’exercice
du pouvoir sur les manants qu’à toute autre fonction.
vanessa bruno cabas cuir pas cher 31 Enfin, la ville même de PadouexA0;: elle n’appara?t qu’au cinquième
chapitre, parce que, jusqu’à la fin du xiie siècle, elle n’est pas un
acteur essentiel. Elle conna?t les mêmes évolutions institutionnelles
que les autres villes d’Italie du NordxA0;: constitution, au sein de la
curie épiscopale d’un groupe de gouvernement habitué à traiter des
affaires publiquesxA0;; affranchissement de la tutelle de l’évêque dans
le premier tiers du xiie siècle au plus tardxA0;; tensions en son sein
qui débouchent sur la solution institutionnelle neuve qu’est la
podestatie, l’exercice du pouvoir non par un consul mais par un
magistrat extérieur aux factions urbaines, mais tout de même désigné par
elles pour exercer le pouvoir durant un an.32 Les villages et les
castra du contado, pour leur part, se sont doté d’institutions avant
même que n’émerge en ville le consulat. à c?té de la seigneurie, les
paysans ont leurs collectivités formalisées et acceptées comme
interlocuteurs par les seigneurs. Les deux institutions, comme en son
temps l’a montré Robert Fossier sont parfaitement complémentaires et non
pas concurrentes. Les alleutiers aisés servent dans ce cadre de
médiateurs en groupe entre le seigneur et le reste des paysans.33 La
seconde partie présente les questions foncières et agraires.
Dès la fin du xie siècle, il est manifeste que les plus gros détenteurs
de terres ont fait le choix d’une gestion indirecte de leurs
patrimoines fonciers et qu’ils l’ont fait d’une manière qui a permis la
consolidation de la petite exploitation paysanne. C’est sur elle que
repose le dynamisme agraire. Les réserves ont été alloties et
subdivisées entre de très nombreux détenteurs de livelli, c’est-à-dire
de baux emphytéotiques. Les revenus des grands propriétaires fonciers
sont assis non sur le domaine, mais sur les produits des tenures, la
production étant orientée à travers le système des redevances
seigneuriales. Le voisinage de Venise permet de produire précocement
pour le marché et autorise les seigneurs qui savent adapter leurs
redevances à profiter au mieux de l’expansion de la ville.34 Les
procédures de lotissement de même que les bonifications expliquent sans
doute que les tenures n’apparaissent pas surpeuplées et que, de taille à
peu près homogènes, elles soient adaptées à la vie économique d’un
ménage conjugal. La mise en valeur des incultes fournit un exutoire à
une population en lente croissancexA0;; au xiiie siècle, le Padouan ne
souffre pas encore de surpopulation.