Le débat linguistique en Catalogne a été aussi repris. à la fin de 1996,
un forum appelé 160;Foro Babel160;, formé par des intellectuels connus
comme Francesc de Carreras, Félix de Azúa, Victòria Camps, Rosa Regàs, a
critiqué la politique linguistique du gouvernement nationaliste catalan
au pouvoir[6][6] Voir l’article de Francesc DE CARRERAS, F. PéREZ
ROMERA...suite. La nouveauté, c’était la participation des intellectuels
catalanophones à un mouvement qui s’appuyait surtout sur des
professeurs de langue espagnole et des parents d’écoles de Tarragone.
14 Par ailleurs, certains secteurs catalanophones se sont montrés
insatisfaits des résultats obtenus par la politique linguistique mise en
?uvre. à leurs yeux, le catalan n’a pas la prééminence qu’ils désirent,
notamment dans la justice, qui se déroule en castillan, et dans la
presse (la plupart des journaux et télévisions privées diffusent en
castillan). Ils jugent en outre que, même si la connaissance du catalan a
augmenté, son usage social reste insuffisant. Les jeunes, notamment,
connaissent le catalan, mais une part importante d’entre eux utilise
néanmoins le castillan. 15 Ce contexte de confrontation politique a
provoqué une sorte de fuite en avant de la coalition nationaliste
catalane au pouvoir, CiU. Non seulement CiU a signé en 1998, aux c?tés
des nationalistes basques (PNV) et galiciens (BNG), la Déclaration de
Barcelone, qui réaffirme la 160;souveraineté160; des trois régions, mais
il a pris la langue comme drapeau et proposé en 1997 l’élaboration
d’une nouvelle loi linguistique. Quelques-unes de ses propositions
étaient vraiment radicales et ont provoqué des débats houleux. Par exemple, l’exigence de 160;disponibilité linguistique160;, ce qui
signifierait l’obligation de la part des employés (du secteur public
mais aussi du privé) de répondre dans la langue de chacun des clients,
et la proposition de sanctionner économiquement les transgressions aux
dispositions de la nouvelle loi. à la suite des débats dans les médias
et des négociations entre les partis au parlement catalan, ces
propositions ont été retirées et la loi de politique linguistique, très
diluée par rapport au premier projet, a été votée le 30 décembre 1997
par une large majorité au parlement catalan. Elle introduit des quotas
de diffusion télévisuelle et audiovisuelle en catalan (au moins 50%
d’émissions en catalan pour les télévisions privées, et 25% des chansons
radiodiffusées en catalan), prévoit un budget public pour le doublage
de certains films en catalan, ainsi que pour la croissance de
l’utilisation du catalan par les services des entreprises publiques,
comme celles de distribution du gaz ou de l’électricité. 16 Depuis ce
vote, la paix linguistique est apparemment rétablie, d’autant que les
nationalistes et le Parti populaire se sont liés par des accords
parlementaires, tant à Madrid qu’à Barcelone (les deux groupes
politiques soutenant le gouvernement de l’autre, avec la différence que
les nationalistes catalans dépendent des votes du Parti populaire à
Barcelone, tandis que ce dernier a la majorité absolue au parlement
espagnol). La langue est une facette de la question de l’état espagnol
17 Après vingt-cinq ans de démocratie, les représentations, les
différentes visions de l’Espagne sont plus contradictoires qu’en 1975, à
la fin de la dictature. En Catalogne, d’une part, le nationalisme au
gouvernement a diffusé son idéologie. Beaucoup de jeunes maintenant ne
se reconnaissent que dans les symboles catalans et voient l’Espagne
comme un ennemi.
De nombreux Catalans, y compris des non-nationalistes, ont également le
sentiment que l’Espagne n’accepte pas sa nature plurielle. Du c?té
espagnol, d’autre part, on ne comprend pas la dérive souverainiste des nationalistes périphériques après la reconnaissance d’autonomies très
larges. Il appara?t que, au-delà du compromis constitutionnel, l’état
espagnol ne semble pas non plus prêt à réviser sa conception
traditionnelle de l’Espagne. La question linguistique passe aujourd’hui
derrière celle de la répartition des pouvoirs politiques. On a
l’impression que, pour surmonter la méfiance mutuelle, il faudrait
atteindre un nouveau grand accord politique concernant la reconnaissance
des identités, et c’est dans cet esprit que les socialistes catalans
défendent le projet d’un état fédéral asymétrique. 18 En Catalogne, il y
a à ce jour trois visions politiquesxA0;: celle du Parti populaire,
d’une Espagne unifiée comme référent national qui assume les autonomies
et l’obligation de respecter ce qu’il considère comme des
160;minorités160;, celle des nationalistes catalans, qui dérive vers des
revendications de souveraineté remettant en question le pacte
constitutionnel, et celle des socialistes catalans, qui veulent rester
dans le cadre constitutionnel mais avec des réajustements. Le
fédéralisme asymétrique proposé par ce parti et son dirigeant, l’ancien
maire de Barcelone Pasqual Maragall, repose sur deux piliersxA0;:
premièrement, une égalisation des services et du niveau de vie de tous
les citoyens espagnols, c’est-à-dire la poursuite d’une relation
solidaire avec les régions moins développées; deuxièmement, la
possibilité pour les nations catalane et basque de déployer toutes leurs
potentialités politiques et culturelles.