Mais ce n'est pas là, finalement, que réside l'intérêt du livre.
Passionnant de bout en bout, la prose de Biskind, cursive, souvent
ironique, toujours imagée, se dévore comme celle d'un roman. L'auteur,
qui radiographie Hollywood c?té coulisses, a le don de brosser des
portraits comme personne. Les différentes parties du livre reposent, à
chaque fois, sur un nombre impressionnant d'entretiens directs. On note,
en moyenne, quatre-vingts à quatre-vingt-dix interviews par chapitre.
L'envers du décor hollywoodien appara?t ainsi dans toute sa splendeur.. et
toute sa misère.Dans toute sa dr?lerie aussi. A cet égard, une des
séquences clés de Sexe, mensonges et Hollywood, met en scène Tarantino à
l'époque de ses débuts, en 1992-1993. Son tout premier film, Réservoir
Dogs, vient de faire sensation au festival de Sundance. Mais Tarantino
n'a toujours pas trouvé de distributeur. Les frères Weinstein sont
enthousiastes. Harvey, en particulier. Il veut distribuer le film, mais à une
condition, que l'on coupe ?la scène de l'oreille?.?En coupant cette
scène de torture, plaide-t-il auprès du jeune et fougueux Quentin, on
obtient un film grand public. Si on la garde, personne ne la verra ; si
on la coupe, je peux montrer le film dans trois cents salles au lieu
d'une ! Trente secondes pourraient changer le destin du film sur le
marché américain.? ?S'ils s'attendent à voir Pretty Woman, on a un
problème, répondit Tarantino. Je n'ai jamais eu l'intention de plaire à
tout le monde avec ce film.? En réalité, Tarantino avait l'impression
d'avoir eu affaire avec l'Inquisition. Harvey
Weinstein n'abandonna pas et tenta encore de convaincre Quentin. ?Il
essayait de me séduire, et je ne voulais pas le décevoir, devait plus
tard avouer le réalisateur de Kill Bill. Je voulais être accepté et
entrer dans cette famille qui avait tant fait de bons films, je voulais
hurler ?oui !? simplement pour lui faire plaisir ; mais c'était
impossible. Alors je lui ai dit : ?Non, Harvey. Je trouve le film
parfait comme il est.?? Les frères Weinstein finirent par céder. Ce que
Biskind nous fait ressentir précisément, ici, c'est qu'à Hollywood, une
carrière et une réputation peuvent se jouer sur un refus.
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