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2014-06-26 13:41:25
En attendant, lenoyé ouvre des yeux ternes, et, par un sourire
blafard, remercie sonbienfaiteur; mais, il est faible encore, et ne peut
faire aucun mouvement.Sauver la vie à quelqu'un, que c'est beau! Et
comme cette action rachètede fautes! L'homme aux lèvres de bronze,
occupé jusque-là à l'arracherde la mort, regarde le jeune homme avec
plus d'attention, et ses traitsne lui paraissent pas inconnus. Il se dit
qu'entre l'asphyxié, aux cheveuxblonds, et Holzer, il n'y a pas
beaucoup de différence. Les voyez-vouscomme ils s'embrassent avec
effusion! N'importe! L'homme à la prunellede jaspe tient à conserver
l'apparence d'un r?le sévère. Sans rien dire,il prend son ami qu'il met
en croupe, et le coursier s'éloigne au galop.O toi, Holzer, qui te
croyais si raisonnable et si fort, n'as-tu pas vu,par ton exemple même,
comme il est difficile, dans un accès de désespoir,de conserver le
sang-froid dont tu te vantes? J'espère que tu ne mecauseras plus un
pareil chagrin, et moi, de mon c?te, je t'ai promis de nejamais attenter
à ma vie. Il y a des heures dans la vie où l'homme, à la chevelure
pouilleuse,jette, l'oeil fixe, des regards fauves sur les membranes
vertes del'espace; car, il lui semble entendre, devant lui, les
ironiques huéesd'un fant?me.
Il chancelle et courbe la tête: ce qu'il a entendu, c'estla voix de la
conscience. Alors, il s'élance de la maison, avec lavitesse d'un fou,
prend la première direction qui s'offre à sa stupeur,et dévore les
plaines rugueuses de la campagne. Mais, le fant?me jaunene le perd pas
de vue, et le poursuit avec une égale vitesse.Quelquefois, dans une nuit
d'orage, pendant que des légions de poulpesailés, ressemblant de loin à
des corbeaux, planent au-dessus des nuages,en se dirigeant d'une rame
raide vers les cités des humains, avec lamission de les avertir de
changer de conduite, le caillou, à l'oeilsombre, voit deux êtres passer à
la lueur de l'éclair, l'un derrièrel'autre; et, essuyant une furtive
larme de compassion, qui coule de sapaupière glacée, il s'écrie:
?Certes, il le mérite; et ce n'est quejustice.? Après avoir dit cela, il
se replace dans son attitudefarouche, et continue de regarder, avec un
tremblement nerveux, lachasse à l'homme, et les grandes lèvres du vagin
d'ombre, d'oùdécoulent, sans cesse, comme un fleuve, d'immenses
spermatozo?desténébreux qui prennent leur essor dans l'éther lugubre, en
cachant, avecle vaste déploiement de leurs ailes de chauve-souris, la
nature entière,et les légions solitaires de poulpes, devenues mornes à
l'aspect de cesfulgurations sourdes et inexprimables. Mais, pendant ce
temps, lesteeple-chase continue entre les deux infatigables coureurs, et
lefant?me lance par sa bouche des torrents de feu sur le dos calciné
del'antilope humain. Si, dans l'accomplissement de ce devoir, il
rencontreen chemin la pitié qui veut lui barrer le passage, il cède
avecrépugnance à ses supplications, et laisse l'homme s'échapper. Le fant?mefait claquer sa langue, comme pour se dire à lui-même qu'il
va cesser lapoursuite, et retourne vers son chenil, jusqu'à nouvel
ordre. Sa voix decondamné s'entend jusque dans les couches les plus
lointaines de l'espace;et, lorsque son hurlement épouvantable pénètre
dans le coeur humain,celui-ci préférerait avoir, dit-on, la mort pour
mère que le remords pourfils. Il enfonce la tête jusqu'aux épaules dans
les complications terreusesd'un trou; mais, la conscience volatilise
cette ruse d'autruche.L'excavation s'évapore, goutte d'éther; la lumière
appara?t, avec soncortège de rayons, comme un vol de courlis qui s'abat
sur les lavandes; etl'homme se retrouve en face de lui-même, les yeux
ouverts et blêmes. Jel'ai vu se diriger du c?té de la mer, monter sur un
promontoire déchiquetéet battu par le sourcil de l'écume; et, comme une
flèche, se précipiterdans les vagues. Voici le miracle: le cadavre
reparaissait, le lendemain,sur la surface de l'océan, qui reportait au
rivage cette épave de chair.L'homme se dégageait du moule que son corps
avait creusé dans le sable,exprimait l'eau de ses cheveux mouillés, et
reprenait, le front muet etpenché, le chemin de la vie.
La conscience juge sévèrement nos pensées etnos actes les plus secrets,
et ne se trompe pas. Comme elle est souventimpuissante à prévenir le
mal, elle ne cesse de traquer l'homme comme unrenard, surtout pendant
l'obscurité. Des yeux vengeurs, que la scienceignorante appelle météores,
répandent une flamme livide, passent enroulant sur eux-mêmes, et
articulent des paroles de mystère ... qu'ilcomprend! Alors, son chevet
est broyé par les secousses de son corps,accablé sous le poids de
l'insomnie, et il entend la sinistre respirationdes rumeurs vagues de la
nuit. L'ange du sommeil, lui-même, mortellementatteint au front d'une
pierre inconnue, abandonne sa t?che, et remontevers les cieux.