分类: 系统运维
2014-06-25 11:48:48
Ah! pardon, monsieur, pardon; mais je vous ai vu toutpetit, je vous
ai porté dans mes bras. Comme vous ressemblez àmonsieur votre père! Ah!
quel père! quel homme c'étoit que celui-là!Hélas! je suis le seul de sa
maison qui ne l'ait pas accompagné danssa fuite. Il me le défendit, il
avoit ses raisons...
? Aux exclamationsdu vieillard, au nom de Montalègre qu'il répétoit à
chaque instant,les voisins, les passans s'étoient rassemblés; la cour se
remplissoitde moment en moment. Mais à une fenêtre de l'h?tel paro?t
tout-à-coupun gros homme qui crie d'une voix furibonde: ?Fran?ois,
Fran?ois,qu'est-ce donc que toute cette canaille-là? chassez tout cela
etfermez les portes.? Le bon Fran?ois obéit, et me dit les larmes
auxyeux: ?Ah! monsieur, j'avois autrefois un père dans le v?tre; mais
àprésent... il se retint et me pria de lui permettre de me venir
voirchez moi; j'y consentis avec plaisir. Cependant cette aventure
serépandit dans la ville, et dès le lendemain je re?us la visite
deplusieurs personnes et entr'autres d'un ancien ami de mon père
quiétoit son collègue au parlement dont il étoit encore membre. Cetteconnoissance m'en fit faire d'autres dans la première classe de
lasociété; car les parlemens, depuis la mort de Louis XIV, ont usurpéune
portion de l'autorité souveraine. Il vous est sans douteindifférent de
savoir comment est composé celui de Toulouse; et quandvous désireriez
l'apprendre, me seroit-il possible de vous en donnerune idée? Vous, mes
amis, mes bons frères, qui vivez dans une égalitéparfaite, comment
pourriez-vous comprendre qu'il y a des sociétés oùla richesse et le
pouvoir sont d'un c?té, la misère et la servitude del'autre? La classe
des despotes est peut-être plus malheureuse encoreque celle des
esclaves. Vous ne consentirez s?rement jamais qu'unepartie de notre
population aille un jour accro?tre le nombre destyrans ou celui des
victimes. D'ailleurs la liberté de consciencen'est pas plus assurée dans
cette ville que la justice; et voici ceque me dit à ce sujet le
vénérable vieillard, ami de mon père, que jerencontrai. ?Mon ami, la
religion est assujettie en France à toutel'instabilité du ministère.
Lorsque votre père fut contraint de fuir,la bigotterie étoit sur le
tr?ne; les dépositaires de l'autoritédéclarèrent la guerre à l'esprit
qu'ils n'avoient pas et qu'ilsredoutoient; la raison se cacha, la
philosophie n'osa paro?tre, etl'hypocrisie fut une vertu. A cette triste
époque succédèrentl'impiété et la licence la plus immorale et la plus
abjecte.
Lapersécution s'est déjà réveillée dans la dissolution générale qui
asuivi ce désordre, et les bourreaux ont repris l'instrument
destortures. Maintenant, un sage ministre tient les rênes de
l'empire;mais le monarque est sans force, et d'un moment à l'autre son
autoritépeut passer en d'autres mains et changer de principe.J'avois
appris à ce bon vieillard la mort de son ancien ami, de monpère; mais je
lui ai caché, ainsi qu'à tous ceux qui m'en ont parlé,le lieu où il
s'étoit retiré avec les habitans fugitifs du village deGarringue. Il
faut que, semblable au séjour céleste, notre demeuresoit non-seulement
inaccessible, mais qu'on ignore quelle est sasituation, sa forme et sa
nature. Au reste, après quelques tentativesinfructueuses, on m'a laissé
parfaitement tranquille à cet égard.CHAPITRE XIV.Nous entendions souvent
parler dans les sociétés d'un étranger réfugiéà Toulouse depuis quelque
tems, aussi étonnant par ses bienfaits quepar le soin qu'il prenoit
d'en cacher l'auteur.