Alors cette ville, dont l'industrie ne
s'était exercée jusqu'à cette époque que dans les choses
nécessaires àses habitants, commen?a d'avoir de grands métiers,
d'envoyer ses produits,ses _articles_, bijoux, meubles, modes,
dentelles, dans une grandepartie de la France et même de l'Europe. Les
règlements de saint Louissur les métiers, les corporations
industrielles, les ma?trises furentrenouvelés par Colbert et adaptés aux
besoins du temps et aux progrèsde l'industrie. Les fêtes données par le
grand roi, les établissementsfondés par lui, les monuments élevés en
son honneur, les couvents, lesspectacles, les sociétés, attirèrent à
Paris une multitude deprovinciaux et d'étrangers qui augmentèrent sa
richesse. ?Tout Parisest une grande h?tellerie, dit un de ces voyageurs;
les cuisinesfument à toute heure; on voit partout des cabarets et des
h?tes, destavernes et des taverniers...
Le luxe est ici dans un tel excès, quequi voudroit enrichir trois
cents villes désertes, il lui suffiroit dedétruire Paris. On y voit
briller une infinité de boutiques où l'on nevend que des choses dont on
n'a aucun besoin; jugez du nombre desautres où l'on achète celles qui
sont nécessaires...--Le peuple,ajoute-t-il, fréquente les églises avec
piété, pendant que les nobleset les grands y viennent pour se divertir,
pour parler et fairel'amour. Il travaille tous les jours avec assiduité,
mais il aime àboire les jours de fête, encore bien qu'une petite mesure
de vin àParis vaille plus qu'un baril à la campagne. Il n'y a pas au
monde unpeuple plus industrieux et qui gagne moins[61], parce qu'il
donne toutà son ventre et à ses habits; malgré cela, il est toujours
content. Etpourtant je ne pense pas qu'il y ait au monde un enfer plus
terribleque d'être pauvre à Paris, et de se voir continuellement au
milieu de tous les plaisirs, sans pouvoir en go?ter aucun.?
[Note 60: Il faut excepter les misères causées par la famine de 1709 et
qui amenèrent quelques troubles. ?Il y eut le matin, dit Dangeau, (20
ao?t 1709) un assez grand désordre à Paris. Des pauvres, qu'on avait
fait assembler pour travailler à ?ter une butte (la butte
Bonne-Nouvelle) qui est sur le rempart du c?té de la porte Saint-Denis,
s'impatientèrent de ce qu'on ne leur distribuait pas assez vite le pain
qu'on leur avait promis et commencèrent par piller la maison où était le
pain; ils se répandirent ensuite dans les rues de Paris en fort grand
nombre, pillèrent les maisons des boulangers et marchèrent à la maison
de M. d'Argenson. On fut obligé de faire marcher les gardes fran?aises
et suisses qui sont dans Paris; les mousquetaires même montèrent à
cheval.
Il y eut quelques gens tués de cette canaille, parce qu'on fut obligé
de tirer dessus et on en a mis quelques-uns en prison.?] [Note 61:
D'après Vauban, la journée d'ouvrier à Paris variait de douze à trente
sous.]Quant à la bourgeoisie, le règne de Louis XIV est son beau temps.
LaFronde avait été pour elle un grand enseignement: elle sentit
leridicule et l'absurde de ses prétentions à gouverner une sociétéencore
toute féodale; elle revint à sa place, elle rentra dans lasubordination
sans regrets et presque sans envie; elle vécutmodestement sous la main
de son antique protectrice, la royauté qui,retrouvant en elle son alliée
soumise, lui donna sans éclat et sanssecousse une belle part de sa
puissance. En effet, ?sous ce long règnede vile bourgeoisie,? ainsi que
l'appelle Saint-Simon, on vit lesfamilles parlementaires et municipales
de Paris occuper les hautspostes de l'administration, les intendances,
les ambassades, même lesministères: témoin celles des Lepelletier, des
Chamillard, des Voisin,et surtout cette famille si grande, si fameuse
des Arnauld; on les vitmême dans les hautes dignités de l'armée, témoin
Catinat. Labourgeoisie parisienne se fait une belle place dans la
société sirégulièrement classée du XVIIe siècle, non-seulement par ses
services,mais par ses vertus, par la gravité de ses moeurs et la
simplicité desa vie, par sa soumission sans servitude, et son opposition
calme etmesurée, par sa haine ?contre les tyranneaux, les partisans,
lesma?tres passefins et les opérateurs d'iniquités,? enfin par sa
grandeinstruction, sa passion pour les lettres, ?son orthodoxie du
bonsens,? sa bonhomie pleine de gaieté maligne et de mordant gaulois.La
population de Paris s'éleva, sous le règne de Louis XIV, à plus
de500,000 habitants: on comptait dans cette ville 500 grandes rues,
9faubourgs, 100 places, 9 ponts, 22,000 maisons, dont 4,000 à
portecochère, et Vauban put dire d'elle: ?Cette ville est à la France
ceque la tête est au corps humain.
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