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2014-05-22 09:10:34
?LE M?ME.?Rome, mardi ce 30 décembre 1828.?Eh bien, ce pauvre Mo?se! Le courrier extraordinaire, partisamedi 27, vous porte l'ordre de le retirer. C'était la dernièrefantaisie de ma vie, le radotage d'un
homme qui s'en va, mais enfinje désirais vivement le voir réussir ou
tomber. Mon sacrifice estd'autant plus grand, que je n'ai plus guère de
joies, et que mesamis, qui ont exigé ce sacrifice, l'ont voulu, disent-ils, pourque j'arrive au ministère, et je ne veux point être ministre. Desorte que je renonce à la couronne de Sophocle pour une couronnede Périclès que personne ne m'offre, et que je
refuserais, si on mel'offrait; j'abandonne tout pour rien. Mais être
aimé de vous,n'est-ce pas une assez belle couronne? J'ai d? céder à mes amis;ils ont associé leur vie à la mienne.
S'ils n'obtenaient pas lesplaces qu'ils désirent, et que Mo?se f?t joué, succès ou non, ilsme diraient que je les ai perdus, parce
qu'ils s'étaient attachés àma destinée; ils me rendraient responsables
de leurs propresmécomptes. Je me résigne donc. Ce n'est pas la première
fois qu'envoyant ce qu'il fallait faire j'ai suivi ceux qui
m'obligeaient deprendre la mauvaise voie. Toutes les fois qu'on ne m'a
demandé quede m'immoler aux intérêts des autres, on m'a trouvé toujours
prêt.?Mais ne peut-on pas reprendre un jour notre projet? Quand
cesmessieurs seront montés où ils veulent monter, quand ma retraite
àl'Infirmerie annoncera que réellement je ne veux rien être, alorsne
serai-je pas libre d'agir comme il me plaira? Oui, sans doute.Mais
d'abord il faut vivre, et c'est là une grande difficulté pourmoi.
Ensuite les événements, les accidents, que sais-je,permettront-ils de
nous occuper de Mo?se? Nous-mêmes nous ensoucierons-nous? Nos
idées n'auront-elles point changé? Je pourraisencore dire de moi
aujourd'hui:Quelquefois un peu de verdureRit sur la glace de nos
champs;Elle console la nature,Mais elle sèche en peu de temps. ?Mais il n'y aura pas même bient?t un peu de verdure sur ma glace,et
rien ne me consolera que vous. Laissons ce triste sujet.?Je crois vous
avoir dit que j'avais envoyé par le derniercourrier, à M. de La
Ferronnays, mon gros Mémoire sur les affairesde l'Orient. Il ne me
manquait plus, pour achever de me dégo?ter dela politique, que de voir
le triomphe de la peste, de l'esclavageet de la barbarie disciplinés,
et des esprits assez bornés pourapplaudir à ce triomphe, pour n'en pas
découvrir les conséquences,même prochaines, sur les libertés des peuples
et sur lacivilisation!?Sept heures du soir.?Je re?ois vos lettres du 9
et du 11; elles sont pleines decajoleries. Ne vous donnez pas tant de
peine pour me séduire: vousêtes s?re de votre succès.
Suspendez donc simplement Mo?se; j'yconsens. Quant au ministère, vous voyez que ma lettre entreparfaitement dans vos idées. Tant que M. de La Ferronnays est ennom, rien n'est changé dans ma position par un intérim. Je neferai donc absolument rien, j'attendrai. Je serai tout commej'étais, lorsque M. de Rayneval avait l'intérim.