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分类: 服务器与存储

2014-07-11 11:36:09

Ma belle-s?urs'est vite trouvée débordée par la vitalité impérieuse et piaffeuse desa fille; c'est une correcte et droite créature, cette bonne Alice,croyant le mal aussi impossible aux siens qu'il l'est à elle-même, ne lesoup?onnant pas; d'Aulnet, lui, est une brute courtoise, plus occupé decercles et de courses qu'il ne faudrait, mais scrupuleusement honnête.Suzanne n'a peut-être pas compris la hardiesse de mauvais ton qu'ont sesavances. J'en suis malheureuse, confuse pour elle, prête à vous endemander pardon.Vous voulez bien, pas vrai? nous livrer à cet autodafé?Pour en revenir à nous, y a-t-il, au fond, rien de plus étrange que cesentiment qui nous lie? C'est vraiment sur cette question que lepsychologue délicat qu'est Bourget devrait faire marcher son prochainroman, car nos lettres toutes décousues, se suivant à peine, n'enpeuvent constituer un. Il faudrait son talent pour créer, animer d'unevie romanesque et philosophique ce que renferment infinitésimalement lesn?tres: des coins de notre ?me dont les épanchements intimes montrent detemps en temps le fonds de réserve. Encore cela n'amuserait peut-êtrepas le public, les joies pures du c?ur étant l'idéal de ceux qui lessavourent, mais non de ceux qui les lisent. Qui sait pourtant? Une?uvre qui laisserait beaucoup de marge à l'imagination des autres,une ?uvre qui laisserait deviner, supposer, inventer, au delà ducadre où elle se renferme, serait peut-être une ?uvre de vie.
Je sais bien que le roman doit toujours se composer d'une exposition,d'une intrigue, d'un n?ud, d'un dénouement, la scène à faire(toujours avidement réclamée par Sarcey). Or, nos lettres vont tout detravers comme dans la vie. Elles sont illogiques, car l'homme estillogique; remplies de contrastes, car la femme n'est que contrastes;gaies, tristes, disparates, elles peignent un homme réel, une femmeréelle; elles vont comme elles peuvent, cahin, caha, hue, dia, hop!Elles ne se plient pas aux exigences d'un caractère de héros, héros ducommencement à la fin du livre; nous ne finirons probablement pas nosvies, moi dans un couvent, vous dans la Seine; nous ne serons tués parpersonne, pas même par mon diplomate de mari; ce n'est donc pas un roman(je m'en vante!) et cela n'intéresserait personne, car chacun veut voir,dans un roman, ou une espèce d'idéal de la vie, ou des souffrances siextrêmes, ou des horreurs si complètes que, bien heureusement, j'en airarement vu de pareilles dans les vraies vies, la v?tre, la mienne, lan?tre, la leur.Et puis, personne ne voudrait croire que cela p?t exister, une amitiéaussi vive, un besoin de se voir, de s'entendre, de conna?tre lesmoindres événements de la vie de l'un et de l'autre; une attiranceindéniable, vous, tant d'obéissance à mes désirs, moi, tant decomplaisance aux v?tres; et tout, enfin: la simplicité, la complication,le charme, la finesse, la force, la subtilité, la fausseté, lafranchise, l'exquis, l'incompréhensible du sentiment que nous éprouvonsl'un pour l'autre.LXPhilippe à Denise.30 octobre, 4 heures après midi.Certes, nos lettres ne sont pas un roman. Elles n'ont aucun encha?nementvoulu, préparé; elles n'ont pas la coordination progressive d'événementssouhaités, poussant l'?uvre vers un dénouement bien exploité et tropsouvent connu et prévu par le lecteur.Mais, à cause de cela, elles m'en semblent plus intéressantes; si ellesétaient un roman, avouez qu'il serait dans la forme et dans le fondassez neuf? Elles sont mieux qu'un roman, elles sont une tranche devie. N'expriment-elles pas la déception d'un homme avouant sa luttecontre ses facultés latentes-qu'il sent, qu'il juge des plussublimes!-Je blague; mais l'aveu spontané d'une impuissancedouloureuse est, après tout, une assez noble humilité, digne d'étude. Nedépeignent-elles pas, ces lettres, la perpétuité d'un vouloir avortant,une sensibilité maladive monstrueusement défaillante, une volonté sedérobant malgré les efforts d'une imagination avide d'action?J'ai, je crois, de l'élévation d'esprit; j'ai le sentiment de posséderquelques facultés supérieures, sans le pouvoir de réaliser mesconceptions. Toutes les pénétrantes misères morales, je les subis,rêveur impatient. Si parfois, par la gr?ce d'influences puériles, jem'en distrais, la conscience de mon mal me ramène à des désespoirsprofonds. Je pleure sur mon oisiveté, je me sens, pour moi-même,irrévélable.
Toutes ces misères, ces défaillances franchement confessées que je jettehors de moi et livre à votre amitié calme, douce et paisible, nesont-elles pas le mal de bien des jeunes de ce temps? Et si je savais,si j'avais la force d'exprimer l'infini qui est entre ce que je suis etce que je pourrais être, ne serait-ce pas la trouvaille du virusinoculable à ceux qui souffrent du même mal que moi?Nos lettres, chère, intéresseraient certainement-en dehors des gens nepouvant se passer d'un mariage ou d'une mort aux derniers feuillets d'unroman-les ?mes droites et saines pareilles à la v?tre; puis, lesirritables et chaleureuses, les agitées et confuses de leur faiblesse,comme la mienne, perpétuellement en lutte contre leurs plus inspirésdésirs dont elles nient la valeur.Si nos lettres étaient connues de ces ?mes profondes, ces intelligencesattentives les trouveraient peut-être assez attachantes pour les lire.Ne révèlent-elles pas les intimes et secrètes fluctuations de deux ?meshumaines dégagées du faux éclat et de la variété des événementsambiants? car vous avez aussi vos heures de trouble, ma vaillante.Je viendrai ce soir vous dire adieu, puisque vous rentrez si vite àNimerck. J'apporterai la correspondance de miss Suzy et nous labr?lerons.Je vous fais porter cette lettre, afin d'avoir rapidement votreréponse.LXI_Denise à Philippe.

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