分类: Android平台
2014-03-28 10:55:26
Madame deThalberg n'avait point désapprouvé les idées nouvelles de
Frida. Passiveet molle, la bonne dame était devenue elle-même vaguement
révolutionnaire,en haine de sa pauvreté, tout comme elle f?t demeurée
conservatrice,chrétienne orthodoxe, et fidèle au tsar si elle e?t
continué à couler sesjours vides dans son domaine de Courlande. Mais
c'est aussi pourquoi ellene comprenait pas que Frida repouss?t cette
occasion de sortir de la viemédiocre qu'elles menaient et de rentrer
?dans leur monde?.Audotia intervint:--Acceptez, dit-elle à Frida. Vous
le devez, pour votre mère.Frida se soumit. Elle n'était pas depuis une
semaine chez la comtesse deWinden, quand le prince Hermann l'y
rencontra.
Un prince royal! L'héritier présomptif d'une monarchie absolue! Il
nepouvait inspirer à Frida que des sentiments de défiance et d'aversion.
Etpourtant, deux mois plus tard, Frida était en Alfanie, réconciliée
avecson grand-oncle, le marquis de Frauenlaub, qui, depuis l'aventure
duprince Kariskine, l'avait reniée, elle et sa mère; madame de
Thalberg,installée auprès du vieux gentilhomme (elle devait y mourir peu
après,sans autre regret que de n'avoir pas achevé la lecture de son
dernierroman), et Frida introduite à la cour, en qualité de demoiselle
d'honneurde la princesse Wilhelmine.Comment tout cela s'était-il
fait?Frida, cependant, s'était crue obligée de résister aux offres
d'Hermann.Elle était allée consulter Audotia. Mais sa vieille amie,
après l'avoirinterrogée sur le prince, lui avait dit:--Allez. Il le
faut. Nous nous reverrons un jour, peut-être. .. Nem'écrivez point: c'est inutile.Et Frida n'avait plus entendu
parler d'Audotia jusqu'au jour où celle-ci,venue secrètement à Marbourg
pour y répandre la bonne parole, avait étéarrêtée dans une émeute de
grévistes.Elle comprenait à présent ce silence et pourquoi la vieille
femme, en laquittant, ne l'avait chargée d'aucune mission, ne lui avait
même donnéaucun conseil. Suprême habileté! Rien qu'en aimant le prince,
rien qu'ense montrant à lui telle qu'elle était, en lui montrant peu à
peu son coeuret sa pensée dans des conversations que le léger mystère et
la rareté deleurs rencontres faisaient plus significatives et plus
précieuses pourtous deux, Frida exer?ait sur Hermann une influence très
douce et trèspuissante. Dans cette liaison non définie, amoureuse et
parfaitementchaste, l'intelligence spéculative du prince philosophe
s'était laissélentement pénétrer et envahir par la sentimentalité
intrépide de sa petiteamie.
Il était tout près de la croire plus clairvoyante dans sa
candeurenthousiaste que les politiques et les économistes, et déjà il
inclinait àadmettre que la meilleure solution des éternels problèmes
sociaux c'étaitpeut-être encore la bonté confiante, la charité
audacieuse et l'appel aucoeur de tous les intéressés, si folle que par?t
la tentative.Et maintenant, tandis que la voiture roulait dans les bois
et que, dechaque c?té, les arbres traversaient en fuyant le reflet des
deuxlanternes, Frida songeait qu'une heure solennelle était venue,
qu'ellepossédait l'?me de celui qui tenait dans sa main le sort d'un
peuple, quece peuple allait donc être heureux par elle, et que ce r?le
sublime etsecret, toutes les aventures de sa vie l'y avaient préparée et
fa?onnée,comme par une merveilleuse prédestination.La voiture longea un
mur gris, masqué de broussailles, puis s'arrêtadevant une grille. Une
fille en camisole vint ouvrir, qui dit au vieuxcocher:--Bonsoir,
grand-père.La voiture entra, suivit une allée tournante et déposa la
voyageuse à laporte d'un pavillon assez vaste, à toiture basse, et
entouré d'uneterrasse à balustres de pierre.--Avez-vous fait un bon
voyage, madame? demanda la fille.--Merci, Kate.