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2013-10-26 09:33:47
Le dimanche après, l'aum?nier du Margrave prêcha publiquement
contrecette masquerade. Il nous apostropha tous en pleine église, et
quoiqu'ily épargn?t le Margrave en public, il lui fit des reproches si
durs dansson particulier, d'avoir donné les mains à un tel péché, que le
pauvreMargrave se crut damné à toute éternité. Il fit tant de sermens à
cetecclésiastique, de ne plus souffrir de pareils plaisirs dans son
pays,qu'il en re?ut enfin une absolution. Mais ce prince ne s'en tint
pas làet voulut aussi faire abjurer les plaisirs au prince
héréditaire.Celui-ci trouva moyen d'éluder le serment qu'il prétendoit
de lui, cequi déplut fort au Margrave. Une aventure qui arriva alors
augmentaencore sa superstition, et nous auroit réduits à vivre comme
lesreligieux de la Trappe, si le prince héréditaire ne s'étoit donné
lapeine d'approfondir le faux.Depuis la mort du prince Guillaume une
terreur panique s'étoit emparéede tous les esprits.
Il y avoit tous les jours des histoires derevenans, qu'on prétendoit
avoir vus au ch?teau, les unes plus ridiculesque les autres. Le soin de
ma conservation fit agir un esprit en chairet en os en ma faveur. L'on
croit toujours ce que l'on souhaite. Unbruit de ville me faisoit passer
pour enceinte. Comme j'étois persuadéeque ce bruit étoit faux, moitié
pour m'amuser, moitié pour le bien de masanté, auquel les médecins
avoient prescrit beaucoup d'exercice,j'apprenois à monter à cheval. Le
Margrave m'avoit donné un cheval noirfort doux, et comme j'étois fort
foible, je ne montais tout au plusqu'un quart d'heure. Toute nouveauté
est mal re?ue. Cette mode, fort envogue en Angleterre et en France, n'étoit point
introduite en Allemagne.Tout le monde cria contre, et ce fut ce qui
donna lieu aux revenans. Onvient bient?t avertir le Maréchal de
Reitzenstein, qu'un spectre d'unefigure effrayante apparoissoit tous les
soirs dans un des corridors duch?teau, et pronon?oit d'une voix
terrible ces étonnantes paroles: ditesà la princesse du pays, que si
elle continue à monter le cheval noir,elle en aura grand malheur, et
qu'elle se garde bien de sortir de sachambre pendant la durée de six
semaines. Mr. de Reitzenstein, fortsuperstitieux de son petit naturel,
avertit aussit?t le Margrave decette apparition; sur quoi défense
expresse me fut faite de ne passortir du ch?teau, ni d'aller au
manège.Cela m'affligea beaucoup, et surtout que ce f?t pour une si
pauvreraison. J'assurai le Margrave que tout cela n'étoit qu'un jeu
joué.
Leprince héréditaire lui fit même part de conjectures qu'il
tiroitlà-dessus, et fit tant d'instances au Margrave, qu'il lui permit
enfind'approfondir la chose. Le prince introduisit des gens affidés
partoutes les issues par où l'esprit pouvoit passer, mais il étoit si
bieninformé, qu'il ne se montra point les jours qu'on l'épioit. Le
princepromit enfin une grosse récompense à celle qui l'avoit dénoncé, si
ellepouvoit découvrir ce que c'étoit. La pauvre femme prit une
lanternesourde avec elle et n'eut que le temps d'envisager le spectre.
Il avoitbien pris ses précautions, et lui souffla un poison si subtil
dans lesyeux, qu'elle en perdit la vue. Elle déposa que l'esprit avoit
deuxcoques de noix sur les yeux, qu'il avoit tout le visage emmailloté
dansde la toile grise, de fa?on qu'elle n'avoit pu le reconno?tre.
Cettedécouverte ne dissipa point la bigotterie du Margrave, ou plut?t
samauvaise humeur contre nous.