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2013-11-06 09:40:33
Cet effet, elle avait cherché à le produire, ellel'espérait. Il se
réalisait au-delà de ses désirs. Elle avait lieud'être satisfaite.D'un
oeil exercé, elle étudiait le jeune prince qui attendait dansune
attitude pleine de dignité, ni trop humble ni trop fière. Cetteattitude,
pleine de tact, la m?le beauté du jeune homme, son élégancesobre,
dédaigneuse de toute recherche outrée, le sourire un peumélancolique,
l'oeil droit, très doux, la loyauté qui éclatait sur tousses traits, le
front large qui dénotait une intelligence remarquable,enfin la force
physique que révélaient des membres admirablementproportionnés dans une
taille moyenne, Fausta vit tout cela dans un coupd'oeil, et, si
l'impression qu'elle venait de produire était tout àson avantage,
l'impression qu'il lui produisait, à elle, pour êtreprudemment
dissimulée, ne fut pas moins favorable.De cet examen très rapide, qu'il
soutint avec une aisance remarquable,sans para?tre le soup?onner, le
Torero se tira tout à son avantage. ChezFausta, la femme et l'artiste se
déclarèrent également satisfaites.
Tout le plan de Fausta dépendait de la décision qu'allait prendre
leTorero. Cette décision elle-même dépendait de l'effet qu'elle
produiraitsur lui.Qu'il se dérob?t, qu'il refus?t de renoncer à son
amour pour la Giralda,et ses plans se trouvaient singulièrement
compromis.L'oeuvre n'était pas irréalisable pourtant, du moins elle
l'espérait.Et, quant à sa difficulté même, pour une nature combative
comme lasienne, c'était un stimulant.Quant à la Giralda, qui pouvait
être sa pierre d'achoppement, on a déjàvu qu'elle avait pris une
décision à son égard. C'était très simple,la Giralda dispara?trait. Si puissant que f?t l'amour du Torero, il netiendrait pas devant
l'irréparable, c'est-à-dire la mort de lafemme aimée. Il était jeune, ce
Torero, il se consolerait vite. Et,d'ailleurs, pour activer sa
guérison, elle avait une couronne à luidonner.Fausta ne connaissait
qu'un seul être au monde capable de rester froiddevant d'aussi
puissantes tentations: Pardaillan.Mais Pardaillan n'avait pas son
pareil.Oui, l'oeuvre de séduction serait difficile, mais non pas
impossible.Elle mit donc en oeuvre toutes les ressources de son esprit
subtil,elle fit appel à toute sa puissance de séduction, et, de cette
voixharmonieuse, enveloppante comme une caresse, elle demanda:--C'est
bien vous, monsieur, qu'on appelle don César?Le Torero s'inclina en
signe d'assentiment.
--Vous aussi qu'on appelle El Torero?--Moi-même, madame.--Vous ne
connaissez pas votre véritable nom. Vous ignorez tout de votrenaissance
et de votre famille. Vous supposez être venu au monde, voicienviron
vingt-deux ans, à Madrid. C'est bien cela?--Tout à fait,
madame.--Excusez-moi, monsieur, si j'ai insisté sur ces menus détails.Je
tenais à éviter une erreur de personne, qui pourrait avoir
desconséquences très graves.