style="font-size:14px;"> Prenant ceux de leurs ouvrages qui me paraissaient travaillés avec le plus de soin,je leur demandai ce qu'ils avaient voulu dire,désirant m'instruire dans leur entretien.J'ai honte,Athéniens,de vous dire la vérité;mais il faut pourtant vous la dire.De tous ceux qui étaient là présents,il n'y en avait presque pas un qui ne fut capable de rendre compte de ces poèmes mieux que ceux qui les avaient faits.
Je reconnus donc bient?t que ce n'est pas la raison qui,dirige le poète,mais une sorte d',;inspiration naturelle,un enthousiasme semblable à celui qui transporte le prophète et le devin,qui disent tous de fort belles choses,
,mais sans rien compendre à ce qu'ils disent.Les poètes me parurent dans le même cas,et je m'aper?us en même temps qu'à cause de leur talent pour la poésie,ils se croyaient sur tout le reste les plus sages des hommes;ce qu'ils n'étaient en aucune manière.Je les quittai donc,persuadé que j'étais au dessus d'eux,par le même endroit qui m'avait mis au dessus des politiques...
Voici encore quelques raisons d'espérer que la mort est un bien.Il faut qu'elle soit,de deux choses l'une,ou l'anéantissement absolu et la destruction de toute conscience,ou,comme on le dit,un simple changement,le passage de l'ame d'un lieu dans un autre.Si la mort est la privation de tout sentiment,un sommeil sans aucun songe,quel merveilleux avantage n'est-ce pas que de mourir?Car,que quelqu'un choisisse une nuit ainsi passée dans un sommeil profond que n'aurait troublé aucun songe,et qu'il compare cette nuit avec toutes les nuits et avec tous les jours qui ont rempli le cours entier de sa vie;qu'il réfléchisse,et qu'il dise en conscience combien dans sa vie il a eu de jours et de nuits plus hereuses et plus douces que celle-là;je suis persuadé que non seulement un simple particulier,mais que le grand roi lui-même en trouverait un bien petit nombre,et qu'il serait aisé de les compter.Si la mort est quelque chose semblable,je dis qu'elle n'est pas un mal;car la durée tout entière ne para?t plus ainsi qu'une seule nuit.Mais si la mort est un passage de ce séjour dans un autre,et si ce qu'on dit est véritable,que là est le rendez-vous de tous ceux qui ont vécu,quel plus grand bien peut-on imaginer,mes juges?Car enfin,si en arrivant aux enfers,échappés à ceux qui se prétendent ici-bas des juges,l'on y trouve les vrais juges,ceux qui passent pour y rendre la justice,Minos,Rhadamanthe,éaque,Triptolème et tous ces autres demi-dieux qui ont été justes pendant leur vie,le voyage serait-il donc si malheureux...
Quel agrément de comparer mes aventures avec les leurs!Mais mon plus grand plaisir serait d'employer ma vie,là comme ici,,à interroger et à examiner tous ces personnages,pour distinguer ceux qui sont véritablement sages,et ceux qui croient l'être et ne le sont point.A quel prix ne voudrait-on,pas,,mes juge*,**aminer un peu celui qui mena contre Troie une si nombreuse armée,ou Ulysse ou Sisyphe,et tant d'autres,hommes et femmes,avec lesquels ce serait une félicité inexprimable de converser et de vivre,en les observant et le* **aminant?Là du moins on n'est pas condamné à mort pour cela;car les habitants de cet heureux séjour,entre mille avantages qui mettent leur condition bien au-dessus de la n?tre,jouissent d'une vie immortelle,si du moins ce qu'on en dit est véritable.
C'est pourquoi, mes juges,soyez pleins d'espérance dans la mort,et ne pensez qu'a cette vérité,qu'il n'y a aucun mal pour l'homme de bien,ni pendant sa vie ni après sa mort,et que les dieux ne l'abandonnent jamais;car ce qui m'arrive n'est point l'effet du hasard;et il est clair pour moi que mourir dès à présent,et être délivré dés soucis de la vie,était ce qui me convenait le mieux;aussi la voix céleste s'est tué aujourd'hui,je n'ai aucun ressentiment contre mes accusateurs,ni contre ceux qui m'ont condamné,quoique leur intention n'ait pas été de me faire du bien,et qu'ils n'aient cherché qu'à me nuire;en quoi j'aurais bien quelque raison de me plaindre d'eux.
Je ne leur ferai qu'une seule prière.Lorsque mes enfant seront grands,si vous les voyez rechercher les richesses ou toute autre chose plus que la vertu,punissez-les,en les tourmentant comme je vous ai tourmentés;et,s'ils se croient quelque chose,quoiqu'ils ne soient rien,faites-les rougir de leur insouciance et de leur présomption;c'est ainsi que je me suis conduit aves vous.Si vous faites cela,moi et mes enfants nous n'aurons qu'à nous louer de votre justice.
Mais il est temps que nous nous quittons,moi pour mourir,et vous pour vivre.Qui de nous a le meilleur partage?Personne ne le sait,excepté Dieu.