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De monument en monument, cette dernière s’est mise en place sans que l’on puisse dire, du point de vue de son fonctionnement collectif et en relation avec son contexte historique, lequel est plus faux ou plus vrai que l’autre. En sociologie, toute manifestation est d’abord à comprendre — ce qui ne signifie pas à excuser ou approuver — mais jamais à juger. Soucieuses de mettre fin à la grandiloquence du réalisme socialiste voué à ce que Jean Fran?ois Lyotard nomme xA0;les grands récits[37][37] Jean-Fran?ois Lyotard, La condition postmoderne, Paris,...suitexA0;, les propositions ont, progressivement, adopté une posture où l’éthique rejoint la vérité historique. 55 Mais il y a plusxA0;; chacun rejoint dans sa manifestation esthétique les valeurs fondamentales qui structurent une culture et une sociétéxA0;: celle du collectif et de l’individuel, de l’universel et --> du singulier, du temps continu et du temps fléché.
Ce sont ces grands invariants qui viennent figurer là selon les périodes où le collectif est aussi le temps de l’histoire comme celui de la révolte du ghetto, où l’acte individuel acquiert le sens d’une interrogation sur la responsabilité collective, où la négation de l’homme générique telle qu’elle se manifeste dans chaque génocide, signe l’universalité de la diversité humaine dans sa revendication identitaire… Ainsi, ce n’est pas par hasard si l’on ne considère au départ qu’un peuple en armes et si l’on s’interroge à la fin sur le sens d’un acte individuel face à ce qui lui est apparu comme une indifférence collective… Ce qui est remarquable, c’est que les valeurs essentielles qui fondent toute société et qui en construisent les liens eidétiques viennent se matérialiser ainsi concrètement au fur et à mesure que l’histoire avance. Autant dire que la structure ne joue pas contre l’histoire mais avec elle. 56 Dans Ce que l’art fait à la sociologie[38][38] Nathalie Heinich, Ce que l’ art fait à la sociologie,...suite, Nathalie Heinich considère que les sociologues ont droit à deux options en ce qui concerne le fait artistiquexA0;: 57 xA0;La première consiste à expliquer les actions, les représentations ou les productions des acteurs […]xA0;. La seconde xA0;consiste non plus à expliquer […] mais à expliciter, à mettre en évidence la logique interne, la cohérence des systèmes de représentationsxA0;. 58 Sans discuter ici ce terme de xA0;représentationxA0; qui, d’un point de vue épistémologique, pose bien des problèmes[39][39] Sylvia Ostrowetsky, xA0;La représentation et ses doublesxA0;,...suite, on ne situera notre entreprise, ni d’un c?té, ni de l’autre de ces p?les. Comme nous l’avons affirmé d’emblée, il ne s’agit ni d’une sociologie des acteurs, ni — coupure bien idéaliste — de leurs images mentales plus ou moins élaborées, mais de leurs productions matérielles, esthé(s) tiques et de ce qui s’y inscrit de particularité culturelle, de différenciation sociale et d’orientation du sens. 59 La performativité de l’esthétique contemporaine est à la fois un appel à un mode de connaissance spécifique du sensible, ainsi que --> le dit Hans Georg Gadamer[40][40] Hans Georg Gadamer, Vérité et méthode, 1960, Seuil, 1976,..
.suite, mais aussi à la constitution du Sujet en tant qu’acteur de sa propre vie, f?t-elle tragique. C’est pourquoi les mémoriaux sont si importants à nos yeux. Ils sont l’inverse même de la jouissance marchande, de son caractère foncier d’amnésie, d’obsolescence et de désidentification constamment déniée. Dans le meilleur des cas, ils en sont leur transgressionxA0;: une mémoire vivante. 60 L’art mémorial pose au sociologue une question essentielle concernant à la fois le sens de l’art et du plaisir — euphorique ou disphorique — auquel il appelle lorsqu’il s’agit, comme c’était le cas dans la tradition des pleureuses, de toucher les ames et les corps. Il pose également la question du consensus à un moment historique où la diversité des positions culturelles et idéologiques est la norme.