ExplicationsJe n' tais qu'une petite frappe de Charonne, un youvoi de quartier,
et, du jour au lendemain, j' tais arr t pour braquage main arm e, trait comme un
type dangereux, un loup f roce, et transf r Fleury-M rogis o , 18 ans, je
devenais une vedette parce que j'avais fait la une du Parisien . Enfin, j' tais
quelqu'un, all luia Et qu'importe si, en prison, il t frapp et encha n , s'il a
connu l'enfer du mitard et de la cellule de contention, s'il a tent de se
suicider en se tranchant les veines, s'il a pay tr s cher d'avoir foment la
premi re mutinerie sur les toits de Fleury, il parle de sa longue incarc ration
comme d'une mani re de sacre.Il ne conna t ni les regrets ni les remords, mais
il cultive volontiers sa propre l gende, telle qu'elle courait autrefois dans le
milieu celle d'un guerrier , d'un vaillant , d'un intr pide au moral de fer, la
tenue magistrale et au calibre en l'air qui aurait sans doute replong - les
vieux copains taient tr s persuasifs et leurs affaires, croustillantes - si une
ditrice et femme de lettres, Marie Laborde, ne l'en avait dissuad apr s sa
sortie, en 1974, de la centrale de Loos-lez-Lille.Nan Aurousseau avait alors 23
ans, la t te pleine et la main experte. Derri re les barreaux, il avait en effet
pr par son bac, constitu une biblioth que d'insoumis dans sa cellule Cendrars,
Cravan, Tzara, Nietzsche, Marcuse, et appris le m tier de
plombier-chauffagiste.Lorsqu'il recouvra la libert , f t-elle conditionnelle, il
s'en enivra. La d che augmenta sa rage de vivre. , Il squatta des squats
et dormit dans un fourgon J7 gar pr s du m tro Glaci re. Il rencontra Marie
Laborde, sa belle histoire d'amour, avec laquelle il crivit Paroles de bandits
et Une vie de cheval .Il s'essaya au polar et trouva en Jean-Patrick Manchette,
dont il r parait les radiateurs et auquel, une cl de purge dans une main, il
avait soumis un manuscrit rat , un juge s v re doubl d'un conseiller d cisif Il
faut, pr conisait l'auteur de Morgue pleine , prendre exemple sur les vaches et
beaucoup m cher pour donner du bon lait. Fort de quoi, Nan Aurousseau r digea,
l'imparfait du subjectif , Flip Story et la Bande du Rex . Quand il ne
mastiquait pas sa prose, il mastiquait des fen tres ou des fuites. Et quand il
n'utilisait pas un compresseur sur un chantier, il se saisissait d'une cam ra,
d'abord une super-huit, ensuite une professionnelle J' tais pass du braquage au
filmage. Il avait la conviction d'avoir le cadre dans la peau et l'impression
que les sc nes s' crivent toutes seules . Avec l'aide financi re d'Anne-Marie, la soeur de Jean-Pierre
Rassam et la femme de Claude Berri, il signa ainsi une demi-douzaine de courts
et longs m trages, peine projet s dans une salle de Belleville, dont certains
plurent Louis Aragon, qui ne d testait pas les mauvais gar ons. C' taient des
films sauvages, antipathiques, d pouill s, presque du Beckett , se souvient Nan
Aurousseau, qui r verait de porter lui-m me l' cran son r cit Quartier charogne
.Parce qu'il avait lu, chez Kafka, qu' crire, c'est bondir hors du rang des
meurtriers , il ne cessait de noircir des pages, mais parce qu'il n'en vivait
pas, il continuait de faire le plombier-chauffagiste.Au d but des ann es 1990,
il fut appel sur le chantier maudit de la Biblioth que nationale de France pour
travailler sur la colonne d'alimentation.Les travaux patinaient, les sous-sols
taient inond s en permanence, il y avait tellement de sous-traitants que chaque
radiateur tait pos par une entreprise diff rente, et les cadences taient
devenues infernales au pr texte que le pr sident Mitterrand voulait inaugurer sa
biblioth que avant de mourir.Jusqu'au jour o l'accident se produisit un ouvrier
tomba dans le coffrage en acier d'un pilier et fut enseveli sous 3 tonnes de b
ton. Il y serait toujours.
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