30 Page 34 Le Comte de Monte-Cristo, Tome II ?-Sans doute, répondit le comte, ne
sommes-nous pas en carnaval ! ?Carmela se pencha vers un jeune homme qui
l'accompagnait en causant, et lui dit quelques mots tout en lui montrant du
doigt la jeune fille. ?Le jeune homme suivit des yeux la jolie main qui lui
servait de conductrice, fit un geste d'obéissance et vint inviter Teresa à
figurer au quadrille dirigé par la fille du comte. ?Teresa sentit comme une
flamme qui lui passait sur le visage. Elle interrogea du regard Luigi : il n'y
avait pas moyen de refuser. Luigi laissa lentement glisser le bras de Teresa,
qu'il tenait sous le sien, et Teresa, s'éloignant conduite par son élégant
cavalier, vint prendre, toute tremblante, sa place au quadrille aristocratique.
?Certes, aux yeux d'un artiste, l'exact et sévère costume de Teresa e?t eu un
bien autre caractère que celui de Carmela et des ses compagnes, mais Teresa
était une jeune fille frivole et coquette ; les broderies de la mousseline, les
palmes de la ceinture, l'éclat du cachemire l'éblouissaient, le reflet des
saphirs et des diamants la rendaient folle. ?De son c?té Luigi sentait na?tre en
lui un sentiment inconnu : c'était comme une douleur sourde qui le mordait au
coeur d'abord, et de là, toute frémissante, courait par ses veines et s'emparait
de tout son corps ; il suivit des yeux les moindres mouvements de Teresa et de
son cavalier ; lorsque leurs mains se touchaient il ressentait comme des
éblouissements, ses artères battaient avec violence, et l'on e?t dit que le son
d'une cloche vibrait à ses oreilles. ,
Lorsqu'ils se parlaient, quoique Teresa écout?t, timide et les yeux baissés, les
discours de son cavalier, comme Luigi lisait dans les yeux ardents du beau jeune
homme que ces discours étaient des louanges, il lui semblait que la terre
tournait sous lui et que toutes les voix de l'enfer lui soufflaient des idées de
meurtre et d'assassinat. Alors, craignant de se laisser emporter à sa folie, il
se cramponnait d'une main à la charmille contre laquelle il était debout, et de
l'autre il serrait d'un mouvement convulsif le poignard au manche sculpté qui
était passé dans sa ceinture et que, sans s'en apercevoir, il tirait quelquefois
presque entier du fourreau. ?Luigi était jaloux ! il sentait qu'emportée par sa
nature coquette et orgueilleuse Teresa pouvait lui échapper. ?Et cependant la
jeune paysanne, timide et presque effrayée d'abord, s'était XXXIII. Bandits
romains. 31 Page 35 Le Comte de Monte-Cristo, Tome II bient?t remise. Nous avons
dit que Teresa était belle.
sac longchamp toile et
cuir Ce n'est pas tout, Teresa était gracieuse, de cette gr?ce sauvage bien
autrement puissante que notre gr?ce minaudière et affectée. ?Elle eut presque
les honneurs du quadrille, et si elle fut envieuse de la fille du comte de
San-Felice, nous n'oserions pas dire que Carmela ne fut pas jalouse d'elle.
?Aussi f?t-ce avec force compliments que son beau cavalier la reconduisit à la
place où il l'avait prise, et où l'attendait Luigi. ?Deux ou trois fois, pendant
la contredanse, la jeune fille avait jeté un regard sur lui, et à chaque fois
elle l'avait vu p?le et les traits crispés. Une fois même la lame de son
couteau, à moitié tirée de sa gaine, avait ébloui ses yeux comme un sinistre
éclair. ?Ce fut donc presque en tremblant qu'elle reprit le bras de son amant.
?Le quadrille avait eu le plus grand succès, et il était évident qu'il était
question d'en faire une seconde édition ; Carmela seule s'y opposait ; mais le
comte de San-Felice pria sa fille si tendrement, qu'elle finit par consentir.
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