Bah ! dit La Mole en riant, l'un n'empêchera peut-être point l'autre. Eh bien,
tant pis ! arrive qu'arrive, j'envoie la lettre demain matin. Où allons-nous
coucher en sortant d'ici Chez ma?tre La Hurière. Tu sais, dans cette petite
chambre où tu voulais me daguer quand nous n'étions pas encore Oreste et Pylade
Bien, je ferai porter ma lettre au Louvre par notre h?te. En ce moment le
panneau s'ouvrit. Eh bien, demandèrent ensemble les deux princesses, où sont
Oreste et Pylade Mordi ! madame, répondit Coconnas, Pylade et Oreste meurent de
faim et d'amour. Ce fut effectivement ma?tre La Hurière qui, le lendemain à neuf
heures du matin, porta au Louvre la respectueuse missive de ma?tre Annibal de
Coconnas. XIII-Oreste et Pylade 121 Page 126 XIV-Orthon Henri, même après le
refus du duc d'Alen?on qui remettait tout en question, jusqu'à son existence,
était devenu, s'il était possible, encore plus grand ami du prince qu'il ne
l'était auparavant. Catherine conclut de cette intimité que les deux princes non
seulement s'entendaient, mais encore conspiraient ensemble. Elle interrogea
là-dessus Marguerite ; mais Marguerite était sa digne fille, et la reine de
Navarre, dont le principal talent était d'éviter une explication scabreuse, se
garda si bien des questions de sa mère, qu'après avoir répondu à toutes, elle la
laissa plus embarrassée qu'auparavant. La Florentine n'eut donc plus pour la
conduire que cet instinct intrigant qu'elle avait apporté de la Toscane, le plus
intrigant des petits ?tats de cette époque, et ce sentiment de haine qu'elle
avait puisé à la cour de France, qui était la cour la plus divisée d'intérêts et
d'opinions de ce temps. Elle comprit d'abord qu'une partie de la force du
Béarnais lui venait de son alliance avec le duc d'Alen?on, et elle résolut de
l'isoler. Du jour où elle eut pris cette résolution, elle entoura son fils avec
la patience et le talent du pêcheur, qui, lorsqu'il a laissé tomber les plombs
loin du poisson, les tra?ne insensiblement jusqu'à ce que de tous c?tés ils
aient enveloppé sa proie. Le duc Fran?ois s'aper?ut de ce redoublement de
caresses, et de son c?té fit un pas vers sa mère. ,
Quant à Henri, il feignit de ne rien voir, et surveilla son allié de plus près
qu'il ne l'avait fait encore. Chacun attendait un événement. Or, tandis que
chacun était dans l'attente de cet événement, certain pour les uns, probable
pour les autres, un matin que le soleil s'était levé rose et distillant cette
tiède chaleur et ce doux parfum qui annonce un beau jour, un homme p?le, appuyé
sur un b?ton et marchant péniblement, sortit d'une petite maison sise derrière
l'Arsenal et s'achemina par la rue du Petit-Musc. Vers la porte Saint-Antoine,
et après avoir longé cette promenade qui tournait comme une prairie marécageuse
autour des fossés de la Bastille, il XIV-Orthon 122 Page 127 La Reine Margot -
Tome II laissa le grand boulevard à sa gauche et entra dans le jardin de
l'Arbalète, dont le concierge le re?ut avec de grandes salutations. Il n'y avait
personne dans ce jardin, qui, comme l'indique son nom, appartenait à une société
particulière : celle des arbalétriers. Mais, y e?t-il eu des promeneurs, l'homme
p?le e?t été digne de tout leur intérêt, car sa longue moustache, son pas qui
conservait une allure militaire, bien qu'il f?t ralenti par la souffrance,
indiquaient assez que c'était quelque officier blessé dans une occasion récente
qui essayait ses forces par un exercice modéré et reprenait la vie au soleil.
Cependant, chose étrange ! lorsque le manteau dont, malgré la chaleur naissante,
cet homme en apparence inoffensif était enveloppé s'ouvrait, il laissait voir
deux longs pistolets pendant aux agrafes d'argent de sa ceinture, laquelle
serrait en outre un large poignard et soutenait une longue épée qu'il semblait
ne pouvoir tirer, tant elle était colossale, et qui, complétant cet arsenal
vivant, battait de son fourreau deux jambes amaigries et tremblantes.