Mais dismoi donc si tu as appris làbas quelque chose de cetteprincesse, fille de
la margrave, qui, seule au milieu detous ces personnages guindés, fardés et
frivoles, m’aparu naturelle, bonne et sérieuse.Si j’en ai entendu parler ? oh !
certes ! nonseulement ce soir, mais déjà bien des fois par Keller,qui coiffe sa
gouvernante, et qui conna?t bien les faits.Ce que je vais te raconter n’est donc
pas une histoired’antichambre, un propos de laquais ; c’est une
histoirevéritable et de notoriété publique. Mais c’est unehistoire effroyable ;
aurastu le courage de l’entendre ?Oui, car je m’intéresse à cette créature qui
portesur son front le sceau du malheur. J’ai recueilli deux outrois mots de sa
bouche qui m’ont fait voir en elle unevictime du monde, une proie de
l’injustice.Dis une victime de la scélératesse ; et la proied’une atroce
perversité. La princesse de Culmbachc’est le titre qu’elle porte a été élevée à
Dresde, par lareine de Pologne, sa tante, et c’est là que le Porpora l’aconnue
et lui a même, je crois, donné quelques le?ons,ainsi qu’à la grande dauphine de
France, sa cousine.
sac longchamp en cuir pas
cher neuf Lajeune princesse de Culmbach était belle et sage ; élevéepar une
reine austère, loin d’une mère débauchée, ellesemblait devoir être heureuse et
honorée toute sa vie.Mais la margrave douairière, aujourd’hui comtesseHoditz, ne
voulait point qu’il en f?t ainsi. Elle la fitrevenir près d’elle, et feignit de
vouloir la marier, tant?tavec un de ses parents, margrave aussi de
Bareith,tant?t avec un autre parent, aussi prince de Culmbach ;car cette
principauté de BareithCulmbach compte plus de princes et de margraves qu’elle
n’a de villages et dechateaux pour les apanager. La beauté et la pudeur de
laprincesse causaient à sa mère une mortelle jalousie ;elle voulait l’avilir,
lui ?ter la tendresse et l’estime deson père, le margrave GeorgeGuillaume
troisièmemargrave ; ce n’est pas ma faute s’il y en a tant danscette histoire :
mais dans tous ces margraves, il n’y eneut pas un seul pour la princesse de
Culmbach. Sa mèrepromit à un gentilhomme de la chambre de son époux,nommé
Vobser, une récompense de quatre mille ducatspour déshonorer sa fille ; et elle
introduisit ellemêmece misérable la nuit dans la chambre de la princesse.Ses
domestiques étaient avertis et gagnés, le palais futsourd aux cris de la jeune
fille, la mère tenait la porte.? Consuelo ! tu frémis, et pourtant ce n’est pas
tout.
Laprincesse de Culmbach devint mère de deux jumeaux :la margrave les
prit dans ses mains, les porta à sonépoux, les promena dans son palais, les
montra à toutesa valetaille, en criant : “Voyez, voyez les enfants quecette
dévergondée vient de mettre au monde !” Et aumilieu de cette scène affreuse, les
deux jumeauxpérirent presque dans les mains de la margrave. Vobsereut
l’imprudence d’écrire au margrave pour réclamerles quatre mille ducats que la
margrave lui avait promis.Il les avait gagnés, il avait déshonoré la princesse.
Lemalheureux père, à demi imbécile déjà, le devint tout àfait dans cette
catastrophe, et mourut de saisissement et de chagrin quelque temps après.
Vobser, menacé par lesautres membres de la famille, prit la fuite. La reine
dePologne ordonna que la princesse de Culmbach seraitenfermée à la forteresse de
Plassenbourg. Elle y entra, àpeine relevée de ses couches, y passa plusieurs
annéesdans une rigoureuse captivité, et y serait encore, si desprêtres
catholiques, s’étant introduits dans sa prison, nelui eussent promis la
protection de l’impératriceAmélie, à condition qu’elle abjurerait la foi
luthérienne.