CVII. La Fosse-aux-Lions. 245 Page 250 CVIII. Le juge. On se rappelle que l'abbé
Busoni était resté seul avec Noirtier dans la chambre mortuaire, et que c'était
le vieillard et le prêtre qui s'étaient constitués les gardiens du corps de la
jeune fille. Peut- être les exhortations chrétiennes de l'abbé, peut-être sa
douce charité, peut-être sa parole persuasive avaient-elles rendu le courage au
vieillard : car, depuis le moment où il avait pu conférer avec le prêtre, au
lieu du désespoir qui s'était d'abord emparé de lui, tout, dans Noirtier,
annon?ait une grande résignation, un calme bien surprenant pour tous ceux qui se
rappelaient l'affection profonde portée par lui à Valentine. M. de Villefort n'avait point revu le vieillard depuis le matin de cette mort.
Toute la maison avait été renouvelée : un autre valet de chambre avait été
engagé pour lui, un autre serviteur pour Noirtier ; deux femmes étaient entrées
au service de Mme de Villefort : tous, jusqu'au concierge et au cocher,
offraient de nouveaux visages qui s'étaient dressés pour ainsi dire entre les
différents ma?tres de cette maison maudite et avaient intercepté les relations
déjà assez froides qui existaient entre eux. D'ailleurs les assises s'ouvraient
dans trois jours, et Villefort, enfermé dans son cabinet, poursuivait avec une
fiévreuse activité la procédure entamée contre l'assassin de Caderousse. Cette
affaire, comme toutes celles auxquelles le comte de Monte-Cristo se trouvait
mêlé, avait fait grand bruit dans le monde parisien. Les preuves n'étaient pas
convaincantes, puisqu'elles reposaient sur quelques mots écrits par un for?at
mourant, ancien compagnon de bagne de celui qu'il accusait, et qui pouvait
accuser son compagnon par haine ou par vengeance : La conscience seule du
magistrat s'était formée ; le procureur du roi avait fini par se donner à
lui-même cette terrible conviction que Benedetto était coupable, et il devait
tirer de cette victoire difficile une de ces jouissances d'amour-propre qui
seules réveillaient un peu les fibres de son cur glacé. Le procès s'instruisait
donc, gr?ce au travail incessant de Villefort, qui CVIII. Le juge. , 246 Page 251 Le Comte de Monte-Cristo, Tome IV voulait en faire le
début des prochaines assises ; aussi avait-il été forcé de se celer plus que
jamais pour éviter de répondre à la quantité prodigieuse de demandes qu'on lui
adressait à l'effet d'obtenir des billets d'audience. Et puis si peu de temps
s'était écoulé depuis que la pauvre Valentine avait été déposée dans la tombe,
la douleur de la maison était encore si récente, que personne ne s'étonnait de
voir le père aussi sévèrement absorbé dans son devoir, c'est-à-dire dans
l'unique distraction qu'il pouvait trouver à son chagrin. Une seule fois,
c'était le lendemain du jour où Benedetto avait re?u cette seconde visite de
Bertuccio, dans laquelle celui-ci lui avait d? nommer son père, le lendemain de
ce jour, qui était le dimanche, une seule fois, disons-nous, Villefort avait
aper?u son père : C'était dans un moment où le magistrat, harassé de fatigue,
était descendu dans le jardin de son h?tel, et sombre, courbé sous une
implacable pensée, pareil à Tarquin abattant avec sa badine les têtes des pavots
les plus élevés, M. de Villefort abattait avec sa canne les longues et mourantes
tiges des roses trémières qui se dressaient le long des allées comme les
spectres de ces fleurs si brillantes dans la saison qui venait de s'écouler.
Déjà plus d'une fois il avait touché le fond du jardin, c'est-à-dire cette
fameuse grille donnant sur le clos abandonné, revenant toujours par la même
allée, reprenant sa promenade du même pas et avec le même geste, quand ses yeux
se portèrent machinalement vers la maison, dans laquelle il entendait jouer
bruyamment son fils, revenu de la pension pour passer le dimanche et le lundi
près de sa mère. Dans ce moment il vit à l'une des fenêtres ouvertes M.
Noirtier, qui s'était fait rouler dans son fauteuil jusqu'à cette fenêtre, pour
jouir des derniers rayons d'un soleil encore chaud qui venaient saluer les
fleurs mourantes des volubilis et les feuilles rougies des vignes vierges qui
tapissaient le balcon.
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