-Non ! non ! s'écria Bertuccio en posant la main à l'angle du mur intérieur ;
non, monsieur, je n'irai pas plus loin, c'est impossible ! -Qu'est-ce à dire ,
articula la voix irrésistible de Monte-Cristo. -Mais vous voyez bien, monsieur,
s'écria l'intendant, que cela n'est point naturel ; qu'ayant une maison à
acheter à Paris, vous l'achetiez justement à Auteuil, et que l'achetant à
Auteuil, cette maison soit le n° 28 de la rue de la Fontaine ! Ah ! pourquoi ne
vous ai-je pas tout dit là-bas, monseigneur. Vous n'auriez certes pas exigé que
je vinsse. J'espérais que la maison de monsieur le comte serait une autre maison
que celle-ci. Comme s'il n'y avait d'autre maison à Auteuil que celle de
l'assassinat !XLIII. La maison d'Auteuil. 186Page 190Le Comte de Monte-Cristo,
Tome II-Oh ! oh ! fit Monte-Cristo s'arrêtant tout à coup, quel vilain mot
venez-vous de prononcer là ! Diable d'homme ! Corse enraciné ! toujours des
mystères ou des superstitions ! Voyons, prenez cette lanterne et visitons le
jardin ; avec moi vous n'aurez pas peur, j'espère ! ? Bertuccio ramassa la
lanterne et obéit. , La porte en s'ouvrant, découvrit un ciel blafard dans
lequel la lune s'effor?ait vainement de lutter contre une mer de nuages qui la
couvraient de leurs flots sombres qu'elle illuminait un instant, et qui allaient
ensuite se perdre, plus sombres encore, dans les profondeurs de l'infini.
L'intendant voulut appuyer sur la gauche. ?Non pas, monsieur, dit Monte-Cristo,
à quoi bon suivre les allées , voici une belle pelouse, allons devant nous.?
Bertuccio essuya la sueur qui coulait de son front, mais obéit ; cependant, il
continuait de prendre à gauche. Monte-Cristo, au contraire, appuyait à droite.
Arrivé près d'un massif d'arbres, il s'arrêta. L'intendant n'y put tenir. ??loignez-vous, monsieur ! s'écria-t-il, éloignez-vous, je vous en supplie, vous
êtes justement à la place ! -? quelle place , -? la place même où il est tombé.
-Mon cher monsieur Bertuccio, dit Monte-Cristo en riant, revenez à vous, je vous
y engage ; nous ne sommes pas ici à Sartène ou à Corte. Ceci n'est point un
maquis, mais un jardin anglais, mal entretenu, j'en conviens, mais qu'il ne faut
pas calomnier pour cela. -Monsieur, ne restez pas là ! ne restez pas là ! je
vous en supplie. -Je crois que vous devenez fou, ma?tre Bertuccio, dit
froidement le comte ; si cela est, prévenez-moi car je vous ferai enfermer dans
quelque maison de santé avant qu'il arrive un malheur. -Hélas ! Excellence, dit
Bertuccio en secouant la tête et en joignant les mains avec une attitude qui e?t
fait rire le comte, si des pensées d'un intérêt supérieur ne l'eussent captivé
en ce moment et rendu fort attentif aux moindres expansions de cette conscience
timorée. Hélas ! Excellence, le malheur est arrivé.
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