il n'était plus p?le, il était livide, En effet, le cheval du comte Koproli
était rentré un soir dans la cour du ch?teau, tout couvert de sang, et, une
heure après, les serviteurs avaient retrouvé et rapporté le corps couvert de
blessures. Smérande prit une torche des mains d'un des valets, s'avan?a vers la
porte, l'ouvrit et descendit dans la cour. Le cheval, tout effaré, était
contenu, malgré lui, par les trois ou quatre serviteurs qui unissaient leurs
efforts pour l'apaiser. Smérande s'avan?a vers l'animal, regarda le sang qui
tachait sa selle et reconnut une blessure au haut de son front.Kostaki a été tué
en face, ditelle, en duel et par un seul ennemi. Cherchez son corps, enfants,
plus tard nous chercherons son meurtrier. Comme le cheval était rentré par la
porte de Hango, tous les serviteurs se précipitèrent par cette porte, et on vit
leurs torches s'égarer dans la campagne et s'enfoncer dans la forêt, comme, dans
un beau soir d'été, on voit scintiller les lucioles dans les plaines de Nice et
de Pise, Smérande, comme si elle e?t été convaincue que la recherche ne serait
pas XIV LES DEUX FR?RES. 142 Page 146 Les mille et un fantomes longue, attendit debout à la porte, Pas
une larme ne coulait des yeux de cette mère désolée, et cependant on sentait
gronder le désespoir au fond de son coeur. Grégoriska se tenait derrière elle,
et j'étais près de Grégoriska. Il avait un instant, en quittant la salle, eu
l'intention de m'offrir le bras, mais il n'avait point osé. Au bout d'un quart
d'heure à peu près, on vit au tournant du chemin repara?tre une torche, puis
deux, puis toutes les torches. Seulement cette fois, au lieu de s'éparpiller
dans la campagne, elles étaient massées autour d'un centre commun. Ce centre
commun, on put bient?t voir qu'il se composait d'une litière et d'un homme
étendu sur cette litière, Le funèbre cortège s'avan?ait lentement, mais il
s'avan?ait. Au bout de dix minutes, il fut à la porte, En apercevant la mère
vivante qui attendait le fils mort, ceux qui le portaient se découvrirent
instinctivement, puis ils rentrèrent silencieux dans la cour. , Smérande se mit à leur suite, et nous, nous suiv?mes Smérande, On
atteignit ainsi la grande salle, dans laquelle on déposa le corps. Alors,
faisant un geste de suprême majesté, Smérande écarta tout le monde, et,
s'approchant du cadavre, elle mit un genou en terre devant lui, écarta les
cheveux qui faisaient un voile à son visage, le contempla longtemps, les yeux
secs toujours, puis, ouvrant la robe moldave, écarta la chemise souillée de
sang. Cette blessure était au c?té droit de la poitrine, Elle avait d? être
faite par une lame droite et coupante des deux c?tés. Je me rappelai avoir vu le
jour même, au c?té de Grégoriska, le long couteau de chasse qui servait de
ba?onnette à sa carabine, Je cherchai à son c?té cette arme, mais elle avait
disparu. Smérande demanda de l'eau, trempa son mouchoir dans cette eau, et lava
la plaie, Un sang frais et pur vint rougir les lèvres de la blessure, Le
spectacle que j'avais sous les yeux présentait quelque chose d'atroce et de
sublime à la fois. Cette vaste chambre, enfumée par les torches de résine, ces
visages barbares, ces yeux brillants de férocité, ces costumes étranges, cette
mère qui calculait, à la vue du sang encore chaud, depuis XIV LES DEUX FR?RES.
143 Page 147 Les mille et un fantomes combien de temps la mort lui avait pris
son fils, ce grand silence, interrompu seulement par les sanglots de ces
brigands, dont Kostaki était le chef, tout cela, je le répète, était atroce et
sublime à voir.
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