à partir de 1993, l’armée contribue au renforcement de l’état et à la
présidentialisation de son régime politique. D’un autre c?té, le
fonctionnement de l’armée, qui n’a pas été réformé dans son esprit,
suscite des réactions qui participent de l’affaiblissement du pouvoir
centralxA0;: la démilitarisation de l’économie, la valorisation des
droits individuels et la fédéralisation posent la question de
l’émergence d’une société marchande et civile face au militaire, et donc
face à l’état. L’institution militaire est à la croisée de deux
chemins. En plein affaiblissement, elle reste investie d’un idéal de
puissance. L’armée, le centre, l’autorité 2 D’ao?t 1991 jusqu’en mai
1992, les dirigeants russes nouvellement élus s’interrogent sur la
création d’une armée nationale. Une telle création semble constituer
l’aboutissement logique du processus de légitimation qu’ils ont engagé
face aux autorités soviétiques. Pourtant, les débats et les décisions de
l’époque laissent voir leurs hésitations politiques.
En effet, après ao?t 1991, l’armée soviétique, par sa composition et
son fonctionnement, ne constitue pas un obstacle à l’affirmation de
l’identité nationale russe. Elle sert ses intérêts stratégiques et
politiques. Sa disparition est imposée par les nouveaux états
indépendants. Elle est subie, plus que voulue, par la Russie. Armée et
refondation étatique 3 à la fin des années quatre-vingt, les dirigeants
russes, réunis autour de Boris Eltsine, leur leader charismatique,
réclament des pouvoirs accrus pour la RSFSR. Ces demandes concernent les
domaines politique, économique, social ou culturel. Elles ne concernent
pas l’armée. Alors que les autres républiques fédérées de l’Union s’intéressent
politiquement aux questions militaires (les trois états baltes et
l’Azerba?djan demandent le départ des troupes soviétiques stationnées
sur leur territoire, l’Ukraine souhaite nationaliser les troupes
soviétiques se trouvant à l’intérieur de ses frontières), le désintérêt
russe pour cette question marque l’ambigu?té politique liée à la
définition du nouvel état. Les responsables russes souhaitent avant tout
un rééquilibrage des pouvoirs au sein de l’URSS. La république fédérée
de Russie ne manifeste à aucun moment la volonté de s’approprier les
forces armées soviétiques. Les nouveaux responsables russes, Eltsine en
tête, estiment que l’armée doit rester unifiée. De décembre 1991 à mai
1992, une fois la disparition de l’URSS actée, ils militent en faveur du
maintien de forces armées communes dans la Communauté des états
indépendants (CEI) nouvellement créée. Leur méfiance à l’égard d’un
démantèlement de la force armée a plusieurs justifications
objectivesxA0;: l’arme nucléaire, qui suppose un contr?le unique, est
dispersée dans plusieurs républiques; il est difficile de partager des
forces conventionnelles qui ont toujours été intégrées; la situation
stratégique de la Russie est défavorable car, jusqu’alors située à
l’arrière des frontières, elle hérite de troupes et de matériels de
réserve. 4 à ces arguments opérationnels s’ajoutent des justifications
politiques et sociales, qui, pour n’être pas clairement exprimées, n’en
sont pas moins réelles.
Premièrement, le haut commandement de l’armée soviétique est
majoritairement constitué d’officiers russes. La prise de contr?le de
cette institution ne constitue donc pas un enjeu national. Deuxièmement,
durant le putsch d’ao?t 1991, l’armée soviétique a manifesté sa loyauté
politique à l’égard d’Eltsine et des réformateurs russes. Alors que le
ministre de la Défense de l’URSS participait aux activités du Comité
d’état à l’état d’urgence, les principaux commandants lui ont désobéi et
ont choisi de soutenir le président russe nouvellement élu. Après ao?t
1991, la prise de contr?le politique de l’armée ne constitue plus un
enjeu pour les dirigeants de la RSFSR. BorisEltsine place des officiers
qui lui sont proches au sein des structures de défense soviétiques.
Troisièmement, l’armée est un instrument de socialisation politique et
culturelle.
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