Leurs rapports avec la Turquie étaient excellents et ils n’ont guère
apprécié la conquête de leur ville par les Grecs. De 1878 à 1913,
Salonique avait été l’enjeu majeur de la rivalité des jeunes nations
balkaniques pour la conquête des esprits des populations macédoniennes. à
partir du début du XXe siècle, les Bulgares tenteront de mettre en
valeur un atout supplémentairexA0;: leur influence sur la grande
communauté juive par le biais des idées socialistes et sionistes
[Benbassa et Rodrigue, 1993, p.x00A0;238]. Les fortes réactions de
jalousie des Grecs à l’alliance entre Juifs et Bulgares à Salonique
témoignent du caractère tout à fait réel de ce lien. La déclaration
selon laquelle la Bulgarie devrait annexer la Macédoine grecque avec la
ville de Salonique, que fit en 1930 à Sofia un délégué juif bulgare dans
le cadre du Congrès des organisations sportives d’obédience sioniste
160;Maccabi160;, provoque en 1931 le pogrom le plus grave dans
l’histoire contemporaine de Salonique (il est connu sous le nom de
160;pogrom de Campbell160;). à l’organisation de ce pogrom participèrent
la presse nationaliste de Salonique (le journal Makédonia) et des
organisations extrémistes, comme l’Hellas et la Ligue des sous-officiers
de réserve Thrace-Macédoine (sic).
Les victimes juives furent accusées par leurs agresseurs de
160;trahison envers leur patrie, la Grèce, au profit de l’ennemi numéro
un, les Bulgares160; [Pierron, 1996, p. 181]. Les accusations des
extrémistes grecs à l’encontre des Juifs sionistes saloniciens répètent
mot pour mot les propos tenus en 1914 par les autorités grecques de
l’époque à l’égard des représentants du premier mouvement politique
ayant une base ethnique juive 150; la Fédération socialiste ouvrière de
Salonique (FSOS). à cette époque, les socialistes saloniciens font
l’objet de répressions de la part du gouvernement central, qui les
accuse déjà de faire le jeu des Bulgares [Dumont, 1980, p.x00A0;400]. Il
est certain que la FSOS a été fondée en 1909 sous l’influence de la
social-démocratie bulgare et avec la participation active de plusieurs
Bulgares 150; son président, Abraham Benaroya, est justement un Juif
d’origine bulgare. Il est vrai également que la Fédération prend, dès
1913, une position explicite en faveur de l’autonomie macédonienne et, par conséquent, contre l’occupation de Salonique par la Grèce. Autant de raisons légitimes pour que les autorités grecques considèrent
les Juifs comme les alliés des Bulgares. La représentation bulgare des
Juifs comme alliés et comme amis 45 Le rapport d’alliance bulgaro-juif
sur fond de concurrence avec les Grecs a bien des précédents dans
l’historiographie nationaliste. Ils concernent au même titre le premier
et le deuxième royaumes bulgares au Moyen ?ge. Dès son instauration, la
Bulgarie hérite de plusieurs communautés juives. Ce sont des Juifs
byzantins (romaniotes) qui habitent à Silistra, Vidin, Nikopol, Sofia.
Dans leur majorité, ces Juifs sont des réfugiés de Byzance à cause des
persécutions religieuses. On note une vague assez
La dynastie bulgare des Assenides (XIIe-XIIIe siècle) mène une
politique d’émancipation à l’égard de Byzance et a systématiquement
recours aux services des Juifs italiens pour asseoir sur une base solide
son indépendance dans le domaine commercial. Un nombre considérable de
ces Juifs s’installe, de fa?on permanente, en Bulgarie et surtout dans
la capitale, Tarnovo. 46 La complémentarité géopolitique entre Juifs et
Bulgares se greffe sur le contexte du plus vieux et du plus constant de
leurs 160;démons nationaux160; 150; la représentation croisée de
l’ennemi héréditaire. En effet, la rivalité gréco-bulgare est présente
dans toute l’histoire du pays et dans toutes les situations
géopolitiques envisageables. Elle détermine le sort du premier et du
deuxième royaumes bulgares au Moyen ?ge, elle structure les efforts des
Bulgares d’affirmer leur identité nationale à l’époque ottomane et,
enfin, elle joue un r?le clé dans le combat pour la Macédoine. Jusqu’à
1944, des territoires grecs font l’objet d’un irrédentisme bulgare
presque obsessionnel. La vision que les Grecs ont des Bulgares est celle
du 160;barbare160; par rapport à l’160;Empire160;, des 160;moins
instruits160; par rapport aux 160;détenteurs de la culture classique et
universelle160;.
阅读(168) | 评论(0) | 转发(0) |