Le 12 septembre dernier, Ali al-Na?mi, le ministre saoudien du Pétrole,
est venu à Vienne à la réunion des ministres de Opep. Il a expliqué à
ses confrères que son pays allait porter ses capacités de production de
10,8 millions de barils par jour actuellement à 12,5 millions en 2009.
Ce projet intervenant pratiquement en même temps que l'annonce de
découvertes ? importantes ? de nouveaux gisements dans le Golfe du
Mexique, a contribué à faire baisser les prix.En l'espace de quelques
semaines le marché mondial a viré sa cuti. Les craintes de pénurie d'or
noir ont fait place aux noirs fantasmes d'abondance. ? tel point que
plusieurs pays de l'Opep, Arabie saoudite en tête, mais aussi l'Iran, le
Nigeria, la Libye et le Kowe?t, ont d? faire du rétropédalage. Ils se
sont engagés le 20 octobre à réduire leur production.
Parmi les autres facteurs du reflux des cours, il faudrait noter une
certaine baisse de régime de la conjoncture américaine, voire en Asie.
Mais cet argument ne semble pas convaincant : les autres matières
premières ne marquent pas de signe de faiblesse.Paradoxalement la
retombée des cours du pétrole laisse les économistes de marbre. Personne
ne s'avise de crier victoire et encore moins de revoir à la hausse ses
prévisions de croissance 2006 et 2007. ? cela deux raisons de fond.
D'une part, les prix pétroliers n'ont plus l'impact économique qu'ils
pouvaient exercer dans les années 1970 et 1980 : la meilleure preuve est
que la croissance mondiale n'a jamais été aussi forte que ces trois
dernières années. Et d'autre part, bien plus que leur niveau absolu,
c'est l'hyper-volatilité des cours qui fait réellement problème. Certes les automobilistes ne peuvent que se réjouir de l'évolution
inespérée de ces dernières semaines, qui semble se moquer des tensions
géopolitiques. Aux ?tats-Unis, où le gallon d'essence supporte très peu
de taxes et varie pratiquement comme les prix du brut, ce qu'il fallait
payer plus de trois dollars en ao?t n'en co?te plus que 2,30. En France,
malgré la Tipp qui joue comme un frein à la baisse des prix à la pompe,
le litre de super sans plomb est passé de 1,32 euro en juillet à
1,15 euro le 25 octobre, soit une baisse de 12,7 %. Dans le budget des
ménages c'est autant de gagné pour d'autres achats, dira-t-on selon un
raisonnement de bon sens, mais bien trop simple. Comment expliquer en
effet que les Fran?ais aient fortement réduit leurs dépenses de
consommation en septembre ?Le sentiment de bien-être que suscite la
baisse des carburants doit être replacé dans un contexte plus large de
la politique économique. ? première vue on pourrait penser que les
banques centrales ont tout lieu de se féliciter du reflux du pétrole.
Cela leur facilite la t?che dans leur lutte contre l'inflation.
Mais en même temps elles se trouvent confrontées à de nouveaux risques
de surchauffe de la demande des ménages dont le pouvoir d'achat se
trouve requinqué. Aux ?tats-Unis principalement, mais aussi dans
certains pays européens comme l'Espagne. Il est significatif que le
président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, ait
tenu cette semaine, devant le Parlement européen, à justifier de
prochaines hausses des taux directeurs de la BCE.Par ailleurs la rechute
brutale des cours du pétrole pose à nouveau la question de sa
volatilité dont on sait d'expérience qu'elle est préjudiciable aux
approvisionnements à long terme. Ainsi la ? grève des investissements ?
observée sur l'ensemble des sources d'énergie tout au long des années
1990 s'explique par les niveaux insuffisants des cours du baril. Ils
fluctuaient alors entre 10 et 15 dollars. La situation actuelle est
strictement inverse, comme vient de le rappeler John Browne, le
président de British Petroleum : ? Les dépenses mondiales
d'investissement dans l'exploration et la production continuent.