Avant de tourner la page (on devrait le retrouver sur monocoque les
prochaines saisons), celui que ses pairs surnomment le ?Prof? aimerait
bien donner une dernière fois la le?on... Ma?tre de conférences de
l'université de Londres à Paris, docteur de l'université d'Oxford,
écrivain *En France, mis à part les tripes nobles - comme le ris et le
foie de veau -, les abats tra?nent une réputation douteuse, même louche,
mortels pour le taux de cholestérol et fournissant la base des aliments
pour animaux domestiques.La compassion que j'ai ressentie pour ce mets
honni, pauvres boyaux de ruminants, relégués sur le banc de touche
culinaire, s'est vite transformée en passion. Manger des tripes - pas
tous les jours et rarement pour le petit déjeuner - est une activité
euphorique. Les tripes rassurent, les tripes excitent, que ce soit les
abats rouges - coeur, rognon, hampe, joue - ou les abats blancs - tête,
langue, gras-double.
Nourriture atavique, elles font partie de la cuisine ancestrale. Pour
les freudiens les tripes représentent la ?Ur-bouffe? - le ?plat ?a? par
excellence. Les Grecs, qui avaient un sacré penchant - pour ne pas dire
un penchant sacré - pour les viscères, font toujours un festin des
patsa. Dans l'Hexagone, Roland a d? manger des tripes avant Roncevaux,
Villon se lécher les babines dans un bouge estudiantin, Rabelais se
servir une grosse louchée sur les remparts de Chinon avant d'aborder sa
journée tourangelle. Corneille le savait bien, et le ma?tre rouennais
les a fêtées dans le vers mémorable, véritable devise de la profession :
?Rodrigue, as-tu du coeur ??Déjà à Oxford j'avais répondu à l'appel des
tripes. Elles avaient tout pour plaire. Peu chères, transgressives et
délicieuses. Les acheter aux Halles, les gratter, les laver dans une machine à laver
(j'étais néophyte à l'époque). Je pratiquais aussi la tripe surprise.
J'apportais le plat et j'enlevais, tel un Vatel diabolique, le couvercle
en argent. Fascinées, affolées, mes petites Oxfordiennes poussaient des
cris d'horreur : ?Quoi ? Ma?-quel ! Une frivolité ? Une amourette
??Testicule ! Quel coquin ! Il ne faut jamais négliger le pouvoir
érotique des tripes - après les abats, les ébats ?Au plaisir du go?t
s'ajoute le plaisir des mots. Pour les tripes à la mode de Mike, il vous
faut de la franche-mule, du bonnet à partir duquel on pourra
confectionner un succulent passe-montagne - du museau, de la caillette,
et enfin le nid d'abeille, véritable dentelle alvéolée, les seules
tripes décoratives qui ne seraient nullement déplacées sur le mur du
salon.L'architecture du plat est savante. Dans une grande cocotte en
fonte, un lit de tripes, un lit de carottes, un lit de tripes, un lit de
poireaux.
Et ainsi de suite. Sel de Guérande, poivre de Sichuan, thym, ail,
persil plat par poignées. Un pied de veau. Couvrir avec le bouillon et
une bonne demi-bouteille d'un chardonnay allumeur. Luter. Glisser dans
un four très bas et partir en vacances. A votre retour, bronzé,
salivant, déluter et servir avec une simple salade de truffes fra?ches
coupées en lamelles et quelques oreillettes de m?che.
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