N'est-ce point ce qui para?t s'annoncer, à voir les élites fran?aises se
h?ter de parler anglais entre elles dans les instances internationales
comme au sein des professions ? congressionnelles ? ? Sous prétexte du
fait accompli, la tendance actuelle serait d'abandonner les langues
nationales d'Europe à leur sort d'idiomes capitonnés de prestigieuses
littératures classiques, bons à tailler des bavettes entre lettrés.
Est-ce bien raisonnable ? Est-il bien sage de s'automutiler de la
sorte ? Nos fameux neveux ne seront-ils pas amers et maudissants
lorsqu'ils contempleront les richesses que nous leur aurons dérobées ?
Et n'est-il pas réellement satanique que les grands personnages de notre
nation transitoire semblent ne se rendre compte de rien ? Les gens du
tout-terrain qui manifestent une lucidité rageuse et impuissante ont le
sentiment d'être complètement trahis - mon amie Angèle et ses parfums
font figure de symbole.Les milliers de mères immigrées ont peut-être
raison, finalement : en n'apprenant pas le fran?ais, elles font
l'économie d'une langue de transition.Le romancier, qui faisait l'objet
d'une plainte pour ? insulte à la nation turque ?, encourait une peine
de six mois à trois ans de prison, pour avoir notamment fait référence
au massacre des Arméniens commis, en 1915, sous l'empire ottoman. Lors
d'une interview, Orhan Pamuk avait affirmé qu' ? un million d'Arméniens
et 30 000 Kurdes ont été tués ? en Turquie, en soulignant le poids du
tabou qui pèse toujours sur ce sujet ultrasensible en Turquie. Dans un
premier temps, le 16 décembre dernier, le tribunal d'Istanbul en charge
du dossier avait décidé de reporter le procès au 7 février, dans
l'attente d'une autorisation préalable du ministre de la Justice, Cemil
Cicek. Mais celui-ci avait fait savoir, vendredi dernier, qu'il ne
donnerait pas son feu vert, rendant ainsi la procédure caduque.
A l'annonce de cette décision des juges turcs, le commissaire européen,
Olli Rehn, s'est réjoui de cette ? bonne nouvelle pour Monsieur Pamuk ?
qui est aussi ? une bonne nouvelle pour la liberté d'expression en
Turquie ?. Cependant, Olli Rehn a rappelé que plusieurs dizaines de
journalistes et d'intellectuels turcs font toujours l'objet de
procédures identiques à celle engagée contre Orhan Pamuk. Et que la
levée des poursuites visant le célèbre écrivain ne devrait être
considérée que comme le début d'un processus plus général, ? jusqu'à ce
que la liberté d'expression soit entièrement respectée pour tous les
citoyens turcs ?. Climat de violence Les observateurs européens, qui
avaient tenu à assister à l'ouverture du procès d'Orhan Pamuk, à
Istanbul, en décembre dernier, avaient tous été choqués par le climat de
violence régnant tant au dehors qu'à l'intérieur même du tribunal de
Sisli, où des militants nationalistes passablement agités et mollement
encadrés par les policiers, avaient tenté de faire pression sur les
juges. A la sortie du tribunal, certains de ces observateurs européens
avaient clairement brandi la menace d'une interruption des négociations
d'adhésion engagées entre la Turquie et l'Union européenne, depuis le 4
octobre dernier : ? S'il y a de nouveaux procès de ce genre, le
processus de négociation s'arrêtera ?, avait notamment déclaré le député
européen, Joost Lagendijk. Calmer le jeu En décidant de couper court
aux poursuites contre Orhan Pamuk, la Turquie vient donc de calmer le
jeu. Il n'en demeure pas moins que les événements qui se sont succédé,
depuis plusieurs mois, autour de la réforme du Code pénal, laisseront
des traces. Car, si personne ne remet en cause le bien-fondé de cette réforme,
organisée dans le cadre d'une nécessaire harmonisation aux normes
européennes, les conditions de sa mise en place et les crispations
qu'elle provoque amènent à s'interroger sur la capacité de résistance au
changement manifestée notamment par les nationalistes turcs. La
procédure engagée contre Orhan Pamuk n'aurait pas été possible sans le
recours déposé par un groupe d'avocats nationalistes, qui n'en était pas
à sa première démarche de ce type. En apprenant l'abandon des
poursuites, l'un de ces avocats, Kemal Kerincsiz, s'est déclaré ? dé?u
?. Il a également précisé qu'il ferait appel devant la Cour de
cassation.Celles ayant trait au communisme, mais aussi celles, encore
plus délicates, qui concernent la Shoah. Près de 260 000 Juifs roumains
ainsi que 25 000 Roms furent exterminés entre janvier 1941 et octobre
1942 par le régime du maréchal Ion Antonescu, allié des nazis.Ce
? projet nourri par le gouvernement roumain et encouragé par les
Allemands ? selon un témoin de l'époque, l'ambassadeur de France Jacques
Truelle, commen?a par de gigantesques pogroms et s'acheva par des
déportations massives dans les camps de concentration de Transnistrie,
ex-province soviétique placée par les nazis sous administration
roumaine *.
Antonescu fit preuve d'un zèle exceptionnel pour oeuvrer, un an avant
la Conférence de Wannsee (janvier 1942), à la solution finale. Selon le
grand historien américain Raul Hilberg, ? aucun pays, Allemagne
exceptée, ne participa aussi massivement au massacre des Juifs ?.
Occultée sous le communisme, cette collaboration des autorités roumaines
avec l'Allemagne nazie n'a cessé depuis 1998 d'être minimisée, voire
niée. Réhabilité au début des années 1990, Antonescu reste encore
aujourd'hui un héros national pour une bonne partie de l'opinion
publique.NégationnismeIl a fallu attendre l'année 2003 et deux
monstrueux dérapages des autorités roumaines de l'époque pour que
Bucarest se décide enfin à entamer un travail de mémoire. Le tollé
général suscité par une déclaration de l'ex-président Ion Iliescu
relativisant la Shoah et celle de son gouvernement, niant que la
Roumanie e?t été ? le thé?tre d'un holocauste ? avaient entra?né la
création, en octobre 2003, d'une commission internationale. Présidée par
?lie Wiesel (né en Roumanie), celle-ci n'était pas parvenue pour autant
à lever l'ambigu?té pesant sur les dirigeants roumains.