Une petite maison qu’il avait meublée et compartimentée comme une cabine
de bateau, comme un nécessaire à ouvrage, et qu’il avait composée
d’objets précieux et précis, semblables à ceux d’une trousse… ?
Ravel est un nerveux. L’excès d’émotion est une fatigue insupportable
pour un tempérament faible qui ne trouve pas en lui les ressources
nécessaires pour ces dépenses exceptionnelles. Un Beethoven, avec sa
nature robuste , son superflu nerveux, s’y compla?t. Peut-être pourrait-on cependant
soutenir que le pathétique n’est pas tout à fait absent de l’Enfant et
les Sortilèges. Un curieux ouvrage qui montre jusqu’où va l’art de la
composition, de la construction architecturale chez Arthur Honegger : en
octobre 1935 les Concerts Pasdeloup nous offraient la première audition
au concert d’une fantaisie symphonique écrite dans le courant de la
même année par Arthur Honegger pour le 10e anniversaire de Radio-Genève,
sous le titre de Radio-Panoramique.? Le compositeur, nous disait-on,
ayant remarqué que de nombreux sans-filistes étaient possédés par la maladie de tourner sans cesse le bouton de leur
appareil pour parcourir successivement tous les postes, a voulu leur
éviter cette peine. Voici donc un morceau écrit pour eux, dans lequel se
succèdent, en un vertige fait pour leur plaire, une page symphonique,
un jazz, un choral protestant, de la musique exotique, un concerto de
piano, un air de grand opéra, une chanson de café-concert, un récital
d’orgue. ? Vous vous figurez peut-être qu’un ouvrage ainsi con?u est
parfaitement incohérent. Détrompez-vous ; Honegger a su maintenir
l’unité dans cette suite de présentations , de telle fa?on qu’elles ne paraissent pas le moins du monde
décousues. Je dirais même que la liaison entre les différentes parties
de l’?uvre est si adroite qu’on en éprouve quelque déconvenue : on
s’attendait à plus d’étrangeté, de bizarrerie. Malgré tout, et quoi
qu’il veuille, Honegger reste l’homme des architectures harmonieuses et
solides.
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