sac longchamp pliage La rivalité

Linterdit pour une mère de procréer lorsquon a marié son enfant est donc dautant plus respecté que la limitation des naissances est connue dans la population en question. 91 Dans la très grande majorité des cas, le mariage dun enfant marque donc une rupture dans la vie féconde dune femme. Serait-ce le moment pour la mère de transmettre le flambeau de la reproduction à une femme plus jeunexA0;? Le mariage de lenfant qui cohabite avec ses parents est un moment fort de la vie de lostal, ce dont tous les historiens intéressés par le Sud-Ouest fran?ais conviennent. Mais nos résultats renforcent cette observation. Avec le mariage de lhéritier(e), lostal se réorganise et redistribue le r?le de chacun. Si désormais la fille ou la bru détient seule le pouvoir dassurer la descendance de la maison, elle nempiète pas sur le pouvoir domestique que continue à assumer la mère ou la belle-mère. Peut-être même lancienne lache-t-elle dautant moins les rênes quelle abandonne à la jeune femme les fonctions reproductives de la maison. La rivalité, souvent apre, entre les deux femmes se joue sur un autre front, celui de laccès aux fonctions culinaires et au partage des taches à lintérieur de la maison et à lextérieur. 92 La rupture de la vie féconde équivaut-elle à larrêt de la vie sexuelle du couple plus agéxA0;? Quelles sont les méthodes utilisées par le couple des anciens pour cesser de procréerxA0;? Dans une société où les moyens de contraception ont longtemps été dune fiabilité discutable, existe-t-il moyen plus efficace que de ne plus avoir de rapports sexuelsxA0;? Lhypothèse est probable si lon se réfère à la teneur des propos tenus aujourdhui par des femmes agées. Sans doute lentretien, f?t-il fondé sur une certaine intimité entre ethnologue et interlocutrice, atteint-il là ses limites, cependant certains détails laissent clairement penser que labstinence sexuelle était de mise. Certaines des interlocutrices de Véronique Moulinié, face à une grossesse tardive et non désirée, ne font pas mystère de la solution radicale pour laquelle elles ont alors optéxA0;: xA0;Je peux tassurer que mon mari, je lui ai passé un savon. Je lui ai dit de tout. Mais je peux te dire quaprès, je ne risquais plus dêtre enceintexA0; ou encore xA0;je lui ai dit quil pouvait aller voir la voisine sil voulaitxA0;. Les expressions sont variées, qui permettent dexpliquer, sans avoir à le dire clairement, comment on a réglé définitivement la questionxA0;! Une expression occitane sert dailleurs à énoncer discrètement cette mort de la sexualité, surtout quand des oreilles enfantines sont susceptibles dentendrexA0;: A? metut lesclot dedins lo letxA0;![29][29] Transcription phonétique. ...suite (xA0;jai mis le sabot dans le litxA0;). On pouvait y mettre dailleurs autre chose, pourvu que ce quelque chose empêchat tout rapprochement des corps. Déjà au xviie siècle, Madame de Sévigné ne conseillait-elle pas à sa fille, Madame de Grignan, de ne pas se fier aux lits séparés mais plut?t dintroduire dans la chambre une troisième personnexA0;? (Flandrin 1976xA0;: 210-211). Cest en fait deux personnes, son fils Jules et sa fille Victoire, que la mère de Pierre Rivière, parricide étudié par Michel Foucault, introduit dans le lit conjugal pour se prémunir contre son mari. (xA0;Moi, Pierre Rivière ayant égorgé ma mère, ma s?ur et mon frère…xA0; [Rivière 1973xA0;: 135-136]). Accueil dont bénéficieront encore certains enfants jusquaux années 1950. Derrière ce rempart ou face à ce refus des relations sexuelles de la part de son épouse, lhomme doit xA0;déposer les outils au galetasxA0; (Lavigne 1875xA0;: 372-373). 93 La différence statistique observée entre les montagnes pyrénéennes et les campagnes du Bas-Quercy invite à penser que, dans la première région plus tardivement ouverte à la limitation des naissances, le couple des anciens cesse davoir des relations sexuelles après le mariage de leur premier enfant, alors que dans la seconde, on pratique aussi le retrait, puisque telle est la méthode qui permet un contr?le efficace de la fécondité dès les débuts du mariage. Autrement dit, dans une région où la norme de la limitation volontaire des naissances sest imposée depuis plusieurs décennies et la ma?trise du retrait plus largement partagée, la honte dune grossesse tardive serait encore plus fortement ressentie par le couple plus agé et les moyens pour léviter plus fréquemment utilisés. 94 Honte dafficher aux yeux de tous quen dépit de leur age, les anciens continuent à avoir des relations sexuelles, honte qui rejaillirait surtout sur le marixA0;? On disait en effet dans les années 1930 dune naissance trop rapprochée de la précédente, ou particulièrement malvenue, quelle était une conception de xA0;soir de nocexA0;, ce qui signifiait que lhomme ivre navait pas été capable de se ma?triserxA0;! Mais associer la honte aux faiblesses du mari ou à lexercice prolongé de la sexualité conjugale est une manière restrictive dinterpréter un interdit que les intéressés eux-mêmes ont des difficultés à expliciter. On doit plut?t prendre au mot cette mère, interrogée récemment par le sociologue Marc Bessin, qui, à propos de son envie davoir un enfant de son nouveau conjoint, déclarexA0;: 95 xA0;Je trouvais ?a indécent de penser concevoir à lage que javais… Javais 46 ans […], javais honte, vraiment honte […].