145).23 Au total, malgré les réticences que nous inspire le cadre
historiographique dans lequel elles sont insérées, ces dix excellentes
études brossent un tableau à la fois pénétrant et vivant des pouvoirs
locaux. La variété des angles de vue adoptés (différents cadres
territoriaux, personnages et lignages, patrimoines foncier ou banal,
pratiques matrimoniales ou judiciaires) permet de proposer un panorama
très complet des sources du pouvoir local et des modalités de son
exercice, tandis que le retour fréquent de certaines figures (comme la
vicaria) se prête à d’intéressantes comparaisons.24 Henri DolsetGérard
Rippe, Padoue et son contado (xe-xiiie siècle), Rome, école fran?aise de
Rome, befar, n°x00A0;317, 2003, 1105 p., isbn 272830632x25 Padoue et
son contado est une thèse d’état préparée sous la direction de Pierre
Toubert et soutenue en 1998, quelques jours avant qu’une crise cardiaque
n’emporte Gérard Rippe. L’ouvrage prend place dans la série des sujets
d’histoire régionale proposés par Pierre Toubert à ses élèves portant
sur la période ixe-xiiie siècles.26 Padoue offre l’exemple d’un
territoire polarisé par une ville importante mais au dynamisme limité et
comme étouffé par la présence d’une trop puissante voisine, Venise.
La documentation sur laquelle repose le livre, à la fois vénitienne et
padouane, diplomatique et chronistique, est considérable. Gérard Rippe,
s’appuyant sur des dépouillements abondants et sur une historiographie
locale très vivante et de haute qualité est en mesure d’offrir un
panorama exhaustif sur un cas et, ce faisant, de proposer des solutions
nouvelles à de vieux problèmes comme celui de l’arimannia. Le livre
aborde avec bonheur et érudition les questions les plus complexes de
l’historiographie italienne. Il le fait avec une grande économie de
moyens et un style lumineux, tout à l’image de ce que fut l’homme Gérard
Rippe.27 Le plan est simple et élégant. La première partie traite du
pouvoir et de son inscription dans la société entre le milieu du xe et
la fin du xiiie siècle. La seconde partie aborde les questions
d’économie agraire et des structures foncières. La troisième, présente et démonte la crise structurelle que conna?t la
société padouane au xiiie siècle. à l’intérieur de ce cadre Gérard Rippe
a construit une dialectique extrêmement raffinée entre pouvoir et
territoire, groupes dominants ruraux et groupes dominants urbains,
fortunes foncières et fortunes mobilières. Sur tous ces points, son
apport peut être considéré comme majeur.28 La question des pouvoirs est
pour lui première. Aussi décrit-il d’abord les groupes sociaux qui sont à
même de l’exercer. L’époque carolingienne a laissé une hiérarchie des
puissances que dominent encore, au xe siècle, le comte et l’évêque, sous
l’autorité lointaine du duc de Carinthie. Les pouvoirs publics la?cs
hérités du ixe siècle sont faibles et fragiles.
L’évêque exerce sur la ville et un district assez étendu autour de
celle-ci, un pouvoir seigneurial presque sans partage aux xe et xie
siècles. C’est autour de l’évêque que s’est cristallisé, entre 900 et
1050, un système de relations vassaliques qui a fini par englober
l’ensemble de l’aristocratie locale. Parallèlement à ce groupe, celui
des féodaux, avec sa hiérarchie qui ne diffère guère de celle que l’on
trouve en Lombardie, prospère. Il intègre des familles nouvelles, issues
de carrières réussies au sein de la ministérialité et ayant pu
déboucher sur l’acquisition, souvent illégitime, de pouvoirs
chatelains.29 à ces deux groupes, il convient de rajouter celui des
arimanni – celui des gros alleutiers peuplant les villages, détenteurs
de droits de copropriété sur les communaux et, fréquemment,
administrateurs, collectivement, de leur propre communauté – ainsi que
celui des cives qui forme l’ossature de la classe de gouvernement
urbain. Gérard Rippe démontre un point fondamentalxA0;: celui de la
continuité sociale entre arimanni et cives. Ce dernier groupe est
composé d’hommes suffisamment à leur aise pour combattre à cheval,
entrés normalement dès le xie siècle dans la vassalité de l’évêquexA0;:
ce sont fréquemment des hommes et des familles issus du groupe
arimannique et qui s’en séparent par choix au moment d’entrer en ville.